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Pourquoi Édouard Philippe est Premier-ministrable

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Emmanuel Macron a-t-il décidé de nommer Édouard Philippe, député-maire du Havre, Premier ministre ? Les contacts sont pris mais l’annonce n’interviendra pas avant ce week-end ou lundi. Voici les raisons qui font d’Edouard Philippe un favori pour Matignon.

La jeunesse

À 46 ans, le député-maire du Havre est à peine plus âgé qu’Emmanuel Macron. Né à Rouen, de parents profs de français, Édouard Philippe fait partie de cette génération de quadras qui aspirent à des responsabilités gouvernementales. « Qu’il soit patient, un jour il deviendra ministre », glissait pince-sans-rire son mentor, Alain Juppé, lors d’une visite au port du Havre en octobre dernier. L’heure est peut-être venue pour cet homme politique peu connu du grand public, fan des Dire Straits et de Bruce Springsteen, et qui dégoupille souvent une canette de Coca-Cola pour se désaltérer, d’accéder à Matignon.

L’ouverture politique

En nommant Édouard Philippe comme Premier ministre, le président nouvellement élu ferait un joli coup politique. Car c’est l’un des tout proches conseillers d’Alain Juppé dont il s’agit ! Le maire du Havre voue une fidélité totale au maire de Bordeaux, qu’il a rencontré à sa sortie du Conseil d’État. En novembre dernier, son mentor échoue au second tour de la primaire de la droite, aux portes de la présidentielle, la veille de son 46e anniversaire.

(Photo : Charly Triballeau/AFP)

Au Havre, où il a pris la succession d’Antoine Rufenacht en 2010, puis où il a été réélu dès le premier tour en 2014, Édouard Philippe fait une politique de centre droit, autour de la lecture, de la culture. Du Macron avant l’heure, disent certains. Dans ce bastion communiste, il transforme le visage des vieux quartiers havrais, fait venir Sciences-Po et Royal de Luxe… Dans sa majorité, il y a même un adjoint centriste qui a rejoint En Marche !.

La rigueur

Une valeur qu’Édouard Philippe érige en vertu cardinale et impose à tous ses collaborateurs. C’est elle qui l’a conduit à s’écarter de la campagne de François Fillon, comme d’autres juppéistes, lorsque le candidat de la droite a maintenu sa candidature à la présidentielle, même mis en examen. « La parole donnée ça a un sens », avait-il alors lancé, s’attirant les foudres des fillonnistes.

C’est aussi pour elle qu’il s’est jeté à l’eau le dimanche 27 septembre 2015 au Havre. Il avait promis de traverser le Bassin du commerce à la nage si la Normandie était réunifiée. Chose promise chose due, il a enfilé sa combinaison, malgré une eau à 16 degrés, et la sensation de « pieds gelés ».

Edouard Philippe avec Agnes Firmin-Le Bodo, candidate Les Républicains du Havre. (Photo : Charly Triballeau/AFP)

C’est, encore, par rigueur qu’il rendait public son propre excès de vitesse, 155 km/h sur l’autoroute, rappelant que « nos concitoyens attendent légitimement de leurs élus l’exemplarité. Je suis convaincu, par ailleurs, de la nécessité d’être ferme en matière de sécurité routière. » Une qualité qui peut être perçue comme de la rigidité. « Il a conscience de ses qualités, et il aurait tort de ne pas l’être », résume un membre de son entourage. Un petit côté Juppé.

La stature d’homme d’État

Au travail, ses adjoints décrivent une bête de travail, « qui attache autant d’importance à la nécessité d’un aménagement urbain local qu’aux grands enjeux d’une campagne nationale ». Un « animal politique » compare un membre de la majorité municipale, qui « ne considère jamais rien pour acquis » et qui tient bon quand ça tangue. Le profil idéal pour résister à « l’enfer de Matignon » ?

Antoine Rufenacht loue « la grande intelligence et les capacités d’Édouard Philippe. Il s’exprime bien. Mais Matignon c’est très difficile. On ne sait jamais comment ça va se passer. » Il en sait quelque chose : il a refusé le poste en 2002 quand Chirac lui a proposé restant fidèle à sa ville. Philippe était adjoint à l’urbanisme en 2001 puis aux affaires juridiques.

La connaissance des partis

En 2002, Alain Juppé forme le nouveau parti UMP, dans la foulée de l’élection de Jacques Chirac au second tour de l’élection présidentielle. Il confie à un jeune énarque de 31 ans les clés du moteur, en le nommant secrétaire général. Pendant deux ans, Édouard Philippe y apprendra les rouages de l’appareil politique à grande échelle. Et en tirera deux livres coécrits avec son compère « bébé Juppé », Gilles Boyer.

(Photo : Charly Triballeau/AFP)

L’éloquence

Édouard Philippe s’installe dans une rame de train et se met à écrire avec frénésie. Pas des SMS, mais des romans. Il lit aussi, beaucoup, et garde en mémoire ses vieux réflexes d’avocat, lorsqu’il faut préparer un discours ou des réponses à des journalistes. « Quand j’étais petit, je m’amusais à imaginer les réponses que j’allais dire aux journalistes sur le chemin de l’école », a-t-il raconté. « Il a le mot juste, il aime les mots, et s’il est nommé Premier ministre, il pourra écrire un bouquin sur ce qu’il vivra à Matignon », salue d’abord l’un de ses opposants à la communauté d’agglomération du Havre, le communiste Jean-Paul Lecoq, avant de tacler : « Mais il reste un libéral, pas très éloigné du monde de la finance. Pas étonnant qu’ils se rejoignent tous les deux avec Macron. »

La discrétion

Sur sa vie privée, Édouard Philippe reste discret. Marié et père de trois enfants, il a épousé Edith, prof à Sciences-Po. Tout juste concède-t-il sa passion invétérée pour les boutons de manchettes et sa crainte des requins. Passionné de boxe « peut-être après avoir lu Jack London et vu Rocky et Raging Bull », Édouard Philippe a fini par s’y mettre de manière assidue « trois fois par semaine depuis deux ans et demi » confirme Madjid Nassah, son coach de boxe anglaise à Émergence. « Il ne fait pas que frapper dans un sac. Il donne des coups mais en reçoit aussi. » Le coach salue « l’endurance physique, le dépassement de soi et la bonne technique » de son bon élève. De là à chercher une métaphore de la boxe avec le monde politique « où il est aussi question d’attaque et de défense ».

Le manque d’expérience nationale et de notoriété

Malgré son CV Macron-compatible, Edouard Philippe n’a jamais exercé de fonctions au sein d’un gouvernement et n’est pas un visage connu des Français. Pour un poste clé comme celui de Premier ministre, c’est peut-être un handicap. Mais cela peut aussi être un atout. Un profil assez discret pour ne pas faire de l’ombre au Président. Les paris sont ouverts.

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