Quatre jours en Suisse avec les puissants du monde

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A Davos, le Forum économique mondial a réuni 3.000 personnalités, dont 70 chefs d’Etat. Petits et grands secrets d’une manifestation où le gratin de l’économie se mélange sans protocole.

Le train rouge se tortille à flanc de montagne. Une neige abondante fait plier les sapins et recouvre la voie. Le convoi s’arrête souvent, parfois à la demande de passagers qui montent avec leurs skis. Dans le wagon, une journaliste du New York Times, un homme d’affaires d’Abu Dhabi, un banquier de Hongkong, des cadres en costume-cravate… Terminus à Davos, la station du canton des Grisons à 1.560 mètres d’altitude, où se déroule chaque année en janvier le World Economic Forum.

Devant la gare, limousines et vans luxueux embarquent les passagers. Tous les 30 mètres, on croise des véhicules de police ou des minibus remplis d’agents des forces spéciales cagoulés. Soixante-dix chefs d’État, dont Emmanuel Macron et Donald Trump, ont annoncé leur venue. 2.500 participants, le gratin mondial de la politique et des affaires, et 500 journalistes débarquent en même temps dans cette petite commune de 11.000 habitants.

Une ville sous haute-surveillance

Pendant une semaine, la ville est placée sous haute surveillance. A 9 heures du matin, quand les débats commencent au centre des congrès, la file d’attente pour passer le contrôle de sécurité s’allonge dans la rue. Le décor de barrières en béton et de baraquements provisoires rappelle – dans la bonne humeur – le passage de Checkpoint Charlie à l’époque du mur de ­Berlin. Les visiteurs les plus chanceux résident dans les hôtels Hilton et Ameron, qui jouxtent le centre et sont à l’intérieur du périmètre protégé. Mais y trouver une chambre libre relève de l’exploit.

Arrivé au centre des congrès, il faut passer obligatoirement par le vestiaire installé dans un passage étroit. Tout le monde s’y croise plusieurs fois par jour car de nombreux événements se déroulent dans les hôtels ou dans la rue principale de Davos, Promenade, transformée en village de sponsors. Le must : abandonner ses après-skis pour enfiler des chaussures de ville ou des escarpins. Une journaliste habituée de l’événement se rappelle avoir aidé le vieux Desmond Tutu à enfiler ses souliers. On est à la montagne, mais le dress code reste très urbain. Le chic classique domine. Et on repère vite les quelques robes courtes et talons aiguilles au milieu d’une population à 79% masculine.

Les participants s’engouffrent ensuite dans un bâtiment aussi complexe que le système des badges mis en place par l’organisation. Cinq couleurs différentes, bleu ou violet pour le staff, blanc pour les participants, orange pour la presse, gris pour la sécurité, régissent les accès aux nombreux espaces et salles ­répartis sur plusieurs niveaux. « Les badges correspondent un peu à des castes, assure un chef d’entreprise belge. Au fil des années, on progresse dans la hiérarchie. » Chaque couleur se décline elle-même en plusieurs sous-catégories, tel le badge pour les épouses des participants. Dans chaque recoin du centre, des escaliers et des petits passages serpentent vers des salles bilatérales où les délégations peuvent se rencontrer en toute discrétion. Dans l’une d’elles, la salle 0.8, Emmanuel Macron a reçu mercredi soir, tour à tour, le roi Abdallah de Jordanie et Benyamin Netanyahou. Détail piquant, l’Israélien, arrivé trop tôt avec son armée de gardes du corps, a rebroussé chemin pour ne pas croiser son voisin du Proche-Orient… A Davos, le programme officiel de conférences et de tables rondes (plus de 100 par jour!) s’ajoute à une multitude de réunions diplomatiques. Les chefs d’État y consacrent l’essentiel de leur temps tout en sacrifiant au moins une fois à l’exercice de la prise de parole en public.

La face la plus cachée de Davos reste le business

La concentration des lieux rend aussi les célébrités accessibles : un Bill Gates déambulant d’un rendez-vous à l’autre vêtu d’un banal costume gris, l’ancien Premier ministre Tony Blair marchant seul sur les trottoirs glissants ou une très glamour reine de Jordanie qui capte tous les regards. Les échanges informels se ­déroulent dans le lounge du niveau zéro, où l’on peut s’asseoir : les places sont chères. Ministres, gouverneurs de banque centrale, patrons, économistes et journalistes y font une pause-café ou y consultent leurs e-mails. Jeudi après-midi, le ministre de l’Économie de la France, Bruno Le Maire, y a claqué une bise à l’explorateur suisse Bertrand Piccard. Autre QG pour les rencontres, le hall de réception situé devant la grande salle de conférences au niveau – 1 et desservi par deux grands escaliers : c’est par là que Donald Trump a fait une entrée de rock star, jeudi en début d’après-midi, protégé par un cordon de sécurité. Tout le monde voulait le voir en chair et en os.

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