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Banlieue : Jean-Louis Borloo, un mauvais plan pour la macronie

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Salué par les élus locaux, le plan banlieues met l’exécutif dans une situation inconfortable, alors que le chef de l’Etat doit les recevoir ce mardi.

Devant quelques centaines d’invités, habitants des banlieues et acteurs de la politique de la ville, le chef de l’Etat met en scène, ce mardi à l’Elysée, un «événement de mobilisation en faveur des quartiers prioritaires». Très attendu, ce rendez-vous est à haut risque. Après une année marquée par une cascade de mesures libérales qui lui ont valu une solide réputation de «président des riches», Emmanuel Macron tient là une excellente occasion de démontrer qu’il est «en même temps» le président des plus pauvres, des quelque six millions d’habitants condamnés à «une forme de relégation», parce qu’ils vivent dans des périphéries «éloignées du moteur de la réussite». Ces mots sont ceux du rapport remis le 26 avril au Premier ministre par Jean-Louis Borloo.

Depuis un mois, l’ex-ministre de la Ville de Jacques Chirac, peu avare de superlatifs, répète à qui veut l’entendre que Macron peut être «le président des banlieues», celui qui s’intéressera enfin au sort des «oubliés de la République». Comment ? Tout simplement en mettant en œuvre les nombreuses préconisations de son rapport. Elles permettraient, selon lui, de «faire revenir la République» là où prospère «le repli identitaire et le communautaire». De la «relance immédiate de la rénovation urbaine» à la réorganisation de l’école en passant par la création d’une «académie des leaders», Borloo assurait, en conclusion de ce rapport, que l’application immédiate de son plan provoquerait «un effet blast» et «une dynamique extrêmement puissante».

«Contribution»

Le problème, c’est qu’il n’est pas question pour le gouvernement de mettre illico en œuvre le big-bang Borloo. Parce qu’il coûterait 48 milliards d’euros, mais aussi parce que la logique qui le guide n’est pas celle du chef de l’Etat. Il y aurait, en somme, un léger malentendu : «Ce rapport n’avait pas vocation à devenir le plan banlieue du gouvernement ; il participe, avec d’autres contributions, à la mobilisation pour les quartiers», précise l’Elysée, citant les groupes animés par le ministère de la Cohésion des territoires ou encore le «Conseil présidentiel des villes». Ce dernier, composé de 25 personnalités engagées pour les quartiers, actives dans les champs économique, culturel ou sportif, se réunira pour la première fois mardi à l’Elysée avant le discours de Macron.

Dans l’entourage du chef de l’Etat, on craint par-dessus tout que l’enterrement supposé du plan Borloo ne devienne la principale leçon de cette journée. Le risque est réel. Des élus communistes de banlieue, comme le maire de Grigny, Philippe Rio (PCF), jusqu’au maire de Meaux et ex-patron de l’UMP, Jean-François Copé, une large coalition d’élus locaux ne tarit pas d’éloges sur les propositions de l’ex-maire de Valenciennes. Il est vrai qu’ils ont, pour certains, contribué à son élaboration. Soutenu par l’Association des maires de France et son président, François Baroin (LR), de nombreux élus locaux font savoir qu’ils jugeront à l’aune de ce qui sera retenu du plan Borloo.

A l’ancienne

Toute la macronie s’est mobilisée, ces derniers jours, pour expliquer que ce plan, pétri de bonnes intentions et de propositions intéressantes, relève d’une politique de la ville à l’ancienne. «Je ne crois pas au grand soir pour les banlieues», expliquait dimanche sur Europe 1 le député LREM Aurélien Taché. Il faut, selon lui, «changer de logique» en faisant «le choix de l’universalité». «Nous voulons plus qu’un plan banlieues», affirmaient samedi dans Libé une soixantaine de parlementaires LREM, dont beaucoup d’élus des quartiers prioritaires de la ville (QPV).

Forts de leur diversité, ils affirment vouloir «sortir d’une politique de la ville à bout de souffle, pour aller vers un instrument d’équité de tous les territoires». Ils parlent, eux aussi, d’un «bouleversement de logique» consistant à assurer l’équité de tous. La solidarité nationale devant être garantie par un mécanisme d’évaluation des inégalités. Sa mise en place fait d’ailleurs parti des préconisations de Borloo, qui propose la création d’une «cour d’équité territoriale» chargée d’évaluer tous les ans les écarts entre les territoires. Si les questions de l’effectivité des droits et d’accès aux services publics sont bien des priorités à l’Elysée, pas question de créer une juridiction spécifique.

Macron ne veut pas entendre parler non plus de l’«Académie des leaders». Cette idée d’une «ENA des quartiers» serait, à en croire l’entourage du chef de l’Etat, la meilleure illustration de la différence entre l’ancienne et la nouvelle politique de la ville.

Alain Auffray

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