Remettre vite de l’ordre à Air France et dans le ciel

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Loïc Prud’homme vient de déposer une question écrite au gouvernement pour alerter sur la situation d’Air France : vacance de la gouvernance, dialogue social au point mort, incapacité à assurer tous les vols dans de bonnes conditions, impasse stratégique. Il est urgent que l’État joue à nouveau son rôle d’actionnaire de référence de la compagnie. Ci-dessous le texte de son interpellation :

Monsieur Prud’homme alerte Madame la ministre des Transports sur la situation de l’entreprise Air France, ancienne compagnie nationale, désormais filiale du groupe Air France-KLM après un processus de privatisation entre la fin des années 1990 et le début des années 2000. L’État reste l’actionnaire de référence du groupe Air France-KLM, possédant 14,30 % de son capital. La filiale Air France représente aujourd’hui 47 000 emplois auxquels s’ajoutent 5 fois plus d’emplois induits.

Le groupe Air France-KLM connait, depuis le 15 mai 2018, une crise de gouvernance. Son Président, Jean-Marc Janaillac, a démissionné après qu’un accord salarial qu’il proposait ait été rejeté suite à une consultation ouverte à tous les salariés d’Air France. Malgré la mise en place d’une présidente intérimaire mais non exécutive, il semble ne plus y avoir de pilote dans l’avion. La nomination d’un nouveau président a été repoussée à la rentrée de septembre, au plus tôt. La presse, en même temps qu’elle révèle toutes les semaines de nouveaux noms pressentis à la tête de l’entreprise, se fait l’écho de difficiles tractations lors desquelles deux actionnaires importants possédant chacun près de 9 % du capital du groupe, l’américain Delta et le chinois China Eastern, tentent d’imposer leurs vues et de peser sur la gouvernance et les orientations stratégiques, dont la sortie ou pas du conflit salarial. Plusieurs acteurs, notamment syndicaux, se plaignent de ne trouver aucun interlocuteur au sein des ministères de tutelle, Transports et Économie. Enfin, les récentes discussions entre l’État et le groupe Accor sur une éventuelle cession des parts publiques de la compagnie, bien que n’ayant pas abouties, font craindre un désengagement à court terme.

On peut ajouter à cette liste le fait que le Conseil supérieur de l’aviation civile (CSAC), instance consultative mais importante, en charge de veiller aux bonnes conditions de régulation et d’activité du transport aérien, et particulièrement la sécurité des vols, n’a toujours pas de président et ne s’est pas réuni depuis un an et demi.

Le groupe Air France évolue dans un contexte de crise permanente depuis 10 ans. Les plans d’attrition s’y succèdent et près de 11 000 emplois ont été supprimés depuis 2010. Développement du TGV, de l’aérien low-cost et irruption des compagnies du Golfe sur le marché : le manque de vision et d’anticipation du nouvel environnement concurrentiel de la part des équipes dirigeantes successives se paie cher. La compagnie ne capte plus qu’un dixième de la croissance du trafic aérien national et pourrait disparaître de plusieurs plateformes aéroportuaires (Bordeaux, Strasbourg…).

À ces difficultés économiques et de gouvernance s’ajoute aujourd’hui de grandes difficultés pour Air France d’assurer ses vols dans des conditions optimales. Entre le 15 juin et le 15 juillet, 240 vols ont été annulés faute de personnel mobilisé suffisant. Plus grave, la sécurité des vols est de plus en plus source d’inquiétude. En témoigne le cas de l’A330 de Caracas, sur lequel une enquête est en cours. Cela tend à prouver que le sous-effectif, des conditions de travail tendues, un contexte social difficile et l’absence de gouvernance renforce les risques.

L’État, par sa position de régulateur du transporteur aérien comme celle d’actionnaire de référence d’Air France-KLM, doit investir son rôle stratégique et œuvrer à la sérénité de l’entreprise, du secteur de l’aviation et être vigilant quant à la composition de la future direction comme du mandat qui lui sera donné. Il convient, de manière urgente, de réactiver les instances intervenant dans le secteur de l’aviation et de rassurer les salariés et les passagers. De même, il apparait comme déterminant pour l’avenir que le futur patron de l’entreprise soit un connaisseur expérimenté du transport aérien, enclin à favoriser le dialogue social et que ses capacités managériales permettent de redonner à la compagnie sa place dans le ciel. Qu’il soit de plus français ne saurait constituer un handicap.

Monsieur Prud’homme demande à Madame la ministre ce qu’elle a concrètement entrepris et mis en œuvre à ce jour afin que le gouvernement joue enfin pleinement son rôle.

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