Allemagne : les 5 dates qui marquent la fin de l’ère Merkel

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Après une nouvelle déconvenue électorale, Angela Merkel a annoncé lundi que son mandat de chancelière serait le « dernier » et qu’elle renoncerait en décembre à la présidence du CDU. Voilà trois ans que la dirigeante allemande avait amorcé son déclin.

C’est le début de la fin pour Angela Merkel. En annonçant lundi qu’elle laisserait en décembre la présidence de son parti, après un nouveau revers électoral dimanche, la chancelière allemande a initié elle-même un nouveau cycle de la vie politique de son pays. Un cycle où elle ne serait plus au pouvoir, comme c’est le cas sans discontinuité depuis 2005. « Aujourd’hui il est temps d’ouvrir un nouveau chapitre », a-t-elle d’ailleurs explicité, visiblement émue, lors d’une conférence de presse convoquée à Berlin.

Concrètement, son quatrième mandat de chancelière sera « le dernier », a-t-elle annoncé. En laissant la tête de la CDU, Angela Merkel ouvre en effet la voie pour que son successeur porte les couleurs de son camp lors des prochaines élections générales, prévues pour l’heure en 2021. La dirigeante allemande de 64 ans avait accédé à la présidence de la formation de centre-droit en 2000, alors que le social-démocrate Gerhard Schröder dirigeait encore le pays, avant de prendre la tête de l’exécutif cinq ans plus tard. Mais ces dernières années, elle a semblé usée par une si longue gouvernance, ne pouvant éviter ces derniers mois de multiples crises. Retour en cinq dates sur la fin de « l’ère Merkel ».

1 – 25 août 2015, le tournant de l’Allemagne sur la crise des migrants

Alors que l’Europe est confrontée en en cet été 2015 à une arrivée massive de migrants, l’Allemagne d’Angela Merkel prend une importante décision ce mardi 25 août : son pays renonce à expulser les Syriens vers leur pays d’entrée dans l’Union européenne. « L’Europe est dans une situation qui n’est pas digne de l’Europe, il faut tout simplement le dire », a justifié la chancelière, en appelant à une plus juste répartition de l’accueil des réfugiés au sein de l’UE. L’Allemagne est alors déjà marqué par de violentes manifestations anti-immigrés, qui ciblent notamment des foyers de réfugiés.

Au nom de ce devoir humanitaire, le pays décide ainsi d’accueillir des centaines de milliers de demandeurs d’asile. Et Angela Merkel de marteler « Wir schaffen das » (« nous y arriverons »), au sujet de l’intégration de ces personnes. Mais politiquement, cette décision va rapidement coûter cher à la conservatrice.

2 – 1er janvier 2016, le traumatisme de Cologne

La chute de la popularité de la chancelière est la première expression de la défiance grandissante de l’opinion à son encontre. Angela Merkel perd 30 points de popularité en quelques mois, passant de 75% d’avis favorables au printemps 2015 à 46% en février 2016. Un événement en particulier a beaucoup coûté à la dirigeante : les agressions sexuelles commises la nuit de la nouvelle année 2016 à Cologne. L’enquête montrera que les suspects étaient principalement des demandeurs d’asile ou des migrants en situation illégale, originaires pour une grande majorité d’entre eux du Maghreb. La police, de son côté, avait reçu 1.527 plaintes et identifié 1.218 victimes.

Dans les sondages, une majorité d’Allemands fait porter le chapeau au gouvernement et à sa politique d’accueil et d’intégration des réfugiés. Accusée de « naïveté », Angela Merkel va d’ailleurs par la suite durcir sa position sur le sujet. L’épisode de Cologne va également profiter à l’extrême droite et à son émergence dans le jeu politique allemand, à commencer par les élections locales qui ont lieu dans la foulée, en mars 2016.

3 – 24 septembre 2017, le casse-tête des élections fédérales

Le troisième mandat d’Angela Merkel s’achève dans un contexte tout aussi lourd. L’Allemagne a fait l’objet de plusieurs attaques sur son sol, notamment l’attentat du marché de Noël de Berlin perpétré en décembre 2016 par un demandeur d’asile affilié au groupe Etat islamique. La chancelière reconnaît venait peu avant de reconnaître l’impréparation de son pays à l’accueil d’autant de réfugiés et a même annoncé qu’elle abandonnait son slogan « nous y arriverons », qu’elle juge après coup « vide de sens ».

Pourtant, si elle est donnée un temps au coude à coude avec son adversaire du SPD Martin Schulz, Angela Merkel fait la course en tête la majeure partie de la campagne électorale pour le renouvellement du Bundestag. Son succès le 24 septembre (33% des voix) n’est que de façade : elle enregistre son plus bas historique et les nouveaux rapports de force au Parlement allemand, avec notamment la percée de l’AfD, complique la recherche d’une coalition pour gouverner. C’est le début d’une longue période de tractations.

4 – 2 juillet 2018, l’accord qui sauve in extremis la peau de Merkel

Il a fallu cinq mois, à compter des élections, pour qu’Angela Merkel sorte de l’impasse politique. Après l’échec à former une alliance avec les Verts et les libéraux, la conservatrice a finalement formé en février son « cabinet IV » avec l’appui, une nouvelle fois, des sociaux-démocrates, qui s’étaient pourtant jurés de ne plus gouverner avec elle. Mais la reconduction de la « grande coalition », entre d’un côté la CDU-CSU et de l’autre le SPD, ne signifie pas la fin des problèmes. Au contraire : la question migratoire continue de fragiliser la chancelière. En juin, celle-ci subit les coups de semonce de son ministre de l’Intérieur, le patron du CSU bavarois Hors Seehofer, tenant de l’aile la plus à droite du gouvernement et qui reproche à Merkel son laxisme.

L’allié rebelle va jusqu’à poser un ultimatum à la dirigeante, menaçant de faire tomber la coalition s’il n’obtient pas un durcissement de la politique migratoire. Le 2 juillet, un accord est finalement conclu entre les deux « partis frères ». Angela Merkel vient de sauver in extremis son fauteuil.

5 – 28 octobre 2018, l’élection de trop

En l’espace de deux semaines, Angela Merkel doit surmonter deux nouveaux tests électoraux. L’élection régionale en Bavière, le 14 octobre, marque le recul historique de la CSU de Seehofer, qui perd sa majorité absolue. Le scrutin de Hesse, le 28, n’a fait que confirmer la tendance : la CDU termine en tête mais recule de dix points, le SPD fait encore pire, doublé par les Verts, qui lui contestent désormais le leadership à gauche. Dans la foulée, les sociaux-démocrates menacent à leur tour de quitter la coalition, voyant dans leur propre échec la conséquence des tensions qui minent le pouvoir.

C’est le coup de trop pour Angela Merkel qui, acculée, a jugé lundi qu’il n’était « plus possible de faire comme si rien ne s’était passé ». En préparant ainsi sa sortie, la chancelière peut espérer sauver dans l’immédiat son gouvernement et tenter d’aller jusqu’aux prochaines élections de 2021. Sans garantie de succès. L’élection du nouveau patron de la CDU en décembre, notamment, pourrait se traduire par coup de barre à droite de la formation chrétienne-démocrate. Qui l’éloignera un peu plus encore de ses alliés sociaux-démocrates.

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