Pass sanitaire : la culture encore bouc émissaire

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Le 12 juillet dernier, Emmanuel Macron a annoncé la mise en place du Pass Sanitaire en France. Encore une fois le gouvernement cible en priorité les lieux culturels, ainsi que les lieux de loisir, sommés de mettre en place en moins de dix jours des dispositifs de contrôle inédits. Cette décision a été prise sans aucune concertation avec les acteurs des secteurs concernés, comme depuis le début de la crise sanitaire. C’est une nouvelle attaque autoritaire et arbitraire contre les lieux culturels, désignés boucs émissaires de l’incapacité du gouvernement à gérer la pandémie de Covid 19 en France et sa faiblesse dans la prévention pour la vaccination.

Cette décision est dangereuse. Tout d’abord comme l’indique le Syndeac, il est matériellement impossible de mettre en place les moyens humains et techniques nécessaires en pleine saison des festivals pour la mise en place du Pass Sanitaire. Cette restriction et les complications à prévoir vont ainsi décourager beaucoup de spectateurs, remettant en cause la tenue de nombre de festivals. Le Pass Sanitaire met ainsi en danger nombre de structures, notamment les plus précaires, qui se remettent tant bien que mal de plus d’un an d’empêchement de travailler. Enfin, ces annonces font monter la tension ambiante dans le pays d’un niveau supplémentaire et lui donnent une multitude d’occasions de se cristalliser dans le quotidien à chaque fois qu’un contrôle, effectué par des personnes dont ce n’est pas le travail, aura lieu.

Le choix de cibler à nouveau les lieux culturels dans une urgence délirante n’est pas anodin. Il n’est qu’une énième manifestation de l’absence totale de politique culturelle de ce gouvernement, dans la continuité directe de ses prédécesseurs. En tient à nouveau pour preuve le silence surprenant de la Ministre de la Culture, qui déclarait pourtant « être là pour gagner des arbitrages ». Alors que le pays étouffe depuis depuis un an et demi et souffre de l’épuisement et des séquelles psychologiques des confinements, les arts et la culture devraient naturellement être au coeur de l’action publique pour permettre de retrouver un vital partage du sensible et du commun.

Cette attaque directe contre les travailleur·euses de l’art et l’accessibilité des citoyen·nes aux propositions culturelles pose également question dans sa concomitance avec la mise en place du Pass Culture. D’un pass à l’autre, on sacralise la demande et le mercantilisme dans la culture et on s’en prend frontalement aux structures culturelles valorisant l’éducation artistique et culturelle, les propositions d’altérité et les moments partagés. Cette décision pose aussi question après le mépris affiché de Roselyne Bachelot vis-à-vis des travailleur•euses de l’art mobilisés dans le mouvement des occupations de théâtre du printemps dernier. Cette approche mortifère doit cesser. Les pouvoirs publics doivent faire confiance aux travailleur·euses de l’art – rappelons qu’aucun lieu culturel n’a été foyer de contamination en France – pour bâtir le service public de la culture ambitieux dont notre pays est capable et qu’il mérite.

Enfin, comme le faisait remarquer Jean-Luc Mélenchon dans son allocution sur le sujet, c’est une société de contrôle qu’instaure le Pass Sanitaire. Les travailleur·euses des lieux accueillant du public vont devoir devenir des contrôleurs d’identité (un papier d’identité devant être fourni avec le pass sanitaire), sous la pression de la police et la menace d’une amende de 45 000 euros et d’un an de prison. Cette violence symbolique est totalement incompatible avec les missions des lieux culturels. C’est un obstacle supplémentaire qui va éloigner de nombreux citoyens et citoyennes, notamment dans la jeunesse et chez les publics les moins habitué·es. Il s’inscrit une tendance inquiétante faisant primer de manière démesurée la politique sécuritaire sur la politique culturelle, que cela a été le cas avec l’annulation du Festival d’Aurillac.

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