Ce mercredi 1er novembre, la loi antiterroriste entre en vigueur pour se substituer à l’état d’urgence, en place depuis 719 jours. Elle vise à intégrer dans le droit commun des mesures existantes dans ce régime d’exception.
Près de deux ans après les attentats du 13 novembre et alors que New York vient d’être frappée par une attaque terroriste, l’état d’urgence laisse place ce mercredi à la loi antiterroriste votée à l’Assemblée nationale le 18 octobre dernier. Le texte transpose dans le droit commun les principales dispositions du régime d’exception qu’est l’état d’urgence, et accroît les pouvoirs des autorités administratives (les préfets) au détriment du pouvoir judiciaire (les magistrats).
« Ce texte est efficace, respectueux et protecteur et s’inscrit dans la Convention » européenne des droits de l’homme, a déclaré mardi Emmanuel Macron devant la Cour européenne des droits de l’Homme. « Cette loi nous permettra de sortir de l’état d’urgence à compter du 1er novembre tout en assurant pleinement la sécurité de nos concitoyens », a également indiqué le président au cours d’une courte allocution.
Le Premier ministre Édouard Philippe et le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb se rendront à la Tour Eiffel ce mercredi pour rencontrer les forces de l’ordre. Un déplacement qui vise à démontrer que, malgré la fin de l’état d’urgence, le niveau de sécurité reste élevé, notamment à proximité des lieux touristiques.
Fermeture des lieux de culte facilitée et élargissement du périmètre des assignations à résidence
Concrètement, la loi antiterroriste signée lundi par le chef de l’État pérennise plusieurs mesures de l’état d’urgence. Par exemple, les préfets pourront mettre en œuvre des périmètres de protection avec filtrage pour sécuriser un lieu ou un événement. Ils auront également le pouvoir de fermer administrativement des lieux de culte soupçonnés de propagande terroriste.
À la différence de l’état d’urgence, le périmètre des assignations à résidence s’étendra au minimum au territoire de la commune, au lieu du seul domicile, et devra permettre à l’intéressé de poursuivre sa vie familiale et professionnelle. La personne visée devra se présenter à la police une fois par jour, contre trois fois sous le régime de l’état d’urgence.
Le préfet pourra par ailleurs faire procéder, sur autorisation du juge des libertés et de la détention du TGI de Paris, à des « visites » (perquisitions) pouvant s’accompagner de saisies de documents ou de données, toujours à des fins de prévention du terrorisme. La personne dont le lieu est « visité » pourra être retenue pendant une durée de quatre heures.
Élargissement des contrôles aux frontières
La loi élargit la durée des contrôles d’identité aux frontières à 12 heures contre six auparavant dans une zone de vingt kilomètres. Au nom de la lutte contre la criminalité transfrontalière, elle institue également une zone de contrôle de 10 km autour de points de passage frontaliers extérieurs (aéroports, ports) dont la liste sera établie par arrêté.
Sur le thème de la radicalisation, un fonctionnaire exerçant des missions de souveraineté ou un métier en lien avec la sécurité et la défense pourra être muté, voire radié, si une enquête administrative conclut à sa radicalisation. En outre, les « repentis » collaborant avec la justice seront davantage protégés.
Enfin, le texte transpose la directive européenne autorisant les services de sécurité à exploiter les données des passagers aériens (PNR, données de réservation, et API, données d’enregistrement et d’embarquement). Il précise aussi le cadre juridique pour procéder à des écoutes hertziennes et prolonge jusqu’en 2020 le recours à des algorithmes sur les réseaux de communication pour détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste.
Une loi liberticide?
Si la loi antiterroriste a été approuvée par une large majorité de parlementaires, elle a aussi fait l’objet de nombreuses critiques. Des députés LR ont notamment dénoncé « une loi de désarmement » et demandé une prolongation de l’état d’urgence d’un an supplémentaire, quand la présidente du FN Marine Le Pen voit un « sous-état d’urgence » ne s’attaquant pas « à l’idéologie islamiste ».
À gauche, certains déplorent une loi « liberticide » qui revient à mettre en place un état d’urgence permanent. Une critique réfutée par le gouvernement qui rappelle que certaines mesures présentes dans le cadre de l’état d’urgence ont été abandonnées comme l’interdiction de manifester ou la dissolution de groupes qui porteraient atteinte à l’ordre public.
Les Français plutôt favorables à la loi antiterroriste
Dans l’opinion, la loi antiterroriste est plutôt bien accueillie. Les Français sont plus de la moitié (57%) à soutenir le texte, même si 62% d’entre eux estiment aussi qu’il aura « tendance à détériorer leurs libertés », selon un récent sondage Fiducial/Odoxa.
Au total, la France aura connu 23 mois d’état d’urgence ininterrompu, soit un record pour ce régime d’exception créé en 1955, durant la guerre d’Algérie. Depuis ont eu lieu plusieurs attentats, dont ceux du 13 novembre à Paris et de Nice qui ont fait respectivement 130 et 86 morts.
L’état d’urgence a en revanche permis de « saisir 625 armes dont 78 armes de guerre et de déjouer des attaques importantes dont l’une contre un meeting pendant la campagne présidentielle », a souligné le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Depuis deux ans, plus de 4300 perquisitions ont été menées et 600 assignations prononcées.