LETTRES DE SYRIE – La question du retour des réfugiés syriens dans leur pays est aujourd’hui plus délicate que jamais, alors que de violents bombardements ciblent des civils dans plusieurs régions du pays, dont certaines étaient qualifiées par la Russie, l’Iran et la Turquie de zones de « désescalade », alerte Joelle Bassoul, membre de l’ONG CARE.
En près de sept ans, plus de la moitié de la population syrienne a été contrainte de fuir les violences qui ravagent le pays. Six millions de personnes se sont déplacées à l’intérieur de la Syrie, plus de cinq millions dans les pays voisins et un million en Europe. La grande majorité espèrent pouvoir retourner chez eux, un jour. Malheureusement, la situation en Syrie demeure extrêmement instable et dangereuse. Le pays est toujours le théâtre de violences et combats quotidiens. Les terribles bombardements qui ont récemment eu lieu à Idlib et qui se poursuivent dans la Ghouta orientale le prouvent. Plus de 500 personnes ont été tuées dans la région assiégée en l’espace d’une semaine. Même dans ces zones dites de « désescalade », les attaques visent les civils ainsi que toutes les infrastructures vitales telles que les écoles, les boulangeries ou les hôpitaux. Le danger est partout. Pour chaque Syrien de retour chez lui en 2017, trois ont dû fuir les violences.
Malgré les drames qui se déroulent en Syrie, les derniers mois ont été marqués par des discours de plus en plus hostiles à l’encontre des réfugiés. Les pays voisins, la Jordanie, le Liban et la Turquie, qui accueillent la majorité des réfugiés syriens, ont fait preuve d’une grande générosité au début de la crise. Mais le manque de volonté politique des pays les plus riches pour accueillir les réfugiés a instauré l’idée que la fermeture des frontières et le retour des Syriens chez eux devenaient légitimes. Ainsi, entre janvier et octobre 2017, environ 250 000 personnes ont été renvoyées de force en Syrie depuis la frontière turque et près de 35 000 Syriens sont restés coincés à la frontière avec la Jordanie, dans le froid et sans aucune assistance. Au Liban, on estime que jusqu’à 10 000 réfugiés ont été renvoyés en Syrie par bus, mais il est impossible de déterminer si ces retours étaient « volontaires » ou « forcés ». Les responsables politiques européens, au Danemark et en Allemagne notamment, ont également soulevé la question du renvoi des réfugiés vers la Syrie, ecrit http://www.lejdd.fr/.
Dans de nombreux endroits, il n’y a plus d’eau, plus d’électricité. Les écoles et les hôpitaux ne fonctionnent plus
Sans l’assurance d’une solution politique et sécuritaire, sans les prémisses d’une reconstruction durable, il est impensable d’envisager un retour des Syriens chez eux. Et d’ailleurs, ont-ils encore un « chez eux »? Des millions de maisons ont été détruites, ou gravement endommagées. Dans de nombreux endroits, il n’y a plus d’eau, plus d’électricité. La plupart des services de base comme les écoles et les hôpitaux ne fonctionnent plus.
La communauté internationale doit se mobiliser d’urgence pour exiger la fin des attaques contre les civils partout en Syrie, notamment par le respect de la résolution 2401 adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 24 février. Les États doivent également respecter leurs engagements et partager les responsabilités en termes d’accueil des réfugiés. À ce jour, seulement 3% des réfugiés syriens ont trouvé refuge dans les pays développés à travers les programmes de reinstallation. Et ce, malgré les engagements pris lors des conférences de Londres en 2016 et de Bruxelles en 2017. Le nombre de demandes de réinstallation des réfugiés syriens dans les pays riches a été divisé par deux d’une année à l’autre.
Dans ce contexte de déchaînement de violences en Syrie, nous devons plus que jamais veiller à garantir la protection des Syriens et le respect des droits des réfugiés.