Scandale Facebook : Cambridge Analytica a favorisé le Brexit, selon un ex-cadre

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Christopher Wylie, ex-directeur de recherche pour la firme britannique Cambridge Analytica, se sent « partiellement responsable » du scandale autour de l’utilisation de millions de données de Facebook. Dans un entretien à plusieurs journaux européens dont Libération, il détaille le rôle de la société spécialisée dans le profilage d’électeurs… Et notamment dans le Brexit voté en 2016.

Christopher Wylie a été directeur de recherche de juin 2013 à fin 2014 pour SCL, la maison mère de Cambridge Analytica.
Christopher Wylie a été directeur de recherche de juin 2013 à fin 2014 pour SCL, la maison mère de Cambridge Analytica. (Reuters)
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« Si certains abus ne peuvent être corrigés, je peux au moins informer les autorités et le public, à travers les médias. » Alors Christopher Wylie a décidé de parler. Cet ancien directeur de recherche de la firme britannique Cambridge Analytica fait figure de lanceur d’alerte dans le scandale qui agite depuis dix jours Facebook. Il a accordé mardi un entretien à plusieurs journaux européens dont Libération et Le Monde pour la France. Lui se « considère comme partiellement responsable » de la récupération à leur insu des données de 50 millions d’utilisateurs du réseaux social afin d’élaborer un logiciel permettant de prédire et d’influencer le vote des électeurs, en particulier dans la campagne présidentielle de Donald Trump en 2016.

Le Canadien de 28 ans a travaillé de juin 2013 à fin 2014 pour la société Strategic Communication Laboratories (SCL), la maison mère de Cambridge Analytica qu’il a lui-même contribué à fonder. « Beaucoup de projets de SCL et de Cambridge Analytica consistaient à aller dans un pays et à travailler à remporter une élection », résume-t-il. S’agissant des Etats-Unis, il évoque le rôle essentiel de Steve Bannon, patron du site de l’ultra-droite Breitbart et ex-directeur de campagne de Donald Trump, dans cette société. Ce conseiller fortuné a beaucoup dépensé pour développer la firme britannique. « Il venait tout le temps, il ne vivait pas à Londres, mais il y venait au moins une fois par mois et on avait une conférence audio tous les lundis avec lui », explique Christopher Wylie. « La liberté de faire de la recherche comme je l’entendais, qui m’avait attiré au début, s’est très vite restreinte quand Steve Bannon est arrivé. La recherche est devenue beaucoup plus spécifique : mettre en place une narration pour ce que nous appelons aujourd’hui l’alt-right. »

Avec Robert Mercer, le principal actionnaire de Cambridge Analytica, Steeve Bannon aurait ainsi voulu « détecter et exploiter » les rumeurs et autres théories du complot permettant de discréditer ses adversaires, à commencer par Barack Obama. Mais l’ancien conseiller de Donald Trump a eu d’autres ambitions, selon l’ancien directeur de recherche. Et en particulier au Royaume-Uni, qui a voté le Brexit en 2016. « [Bannon et Mercer] ont joué un rôle crucial, j’en suis sûr », déclare-t-il, en évoquant la société canadienne issue de Cambridge Analytica, AggregateIQ, qui a permis à la campagne pro-Brexit de « dépasser son plafond de dépenses, et d’utiliser près d’un million de livres pour cibler la population ». « Sans AggregateIQ, le camp du ‘Leave’ n’aurait pas pu gagner le référendum, qui s’est joué à moins de 2% des votes. Or, 40% du budget de ‘Vote Leave’ est allé à AggregateIQ, c’est beaucoup. Cette entreprise a joué un rôle pivot dans le référendum », assure ainsi Christopher Wylie, écrit Lejdd.fr.

Il a appris que son prédécesseur était mort dans des conditions mystérieuses

Le lanceur d’alerte assure que Steeve Bannon y avait son intérêt. « Vous devez comprendre que pour Bannon en particulier, le Royaume-Uni est un leader culturel dans le monde. […] Si vous pouvez inspirer un mouvement populiste au Royaume-Uni, si les Britanniques peuvent le faire, alors vous pouvez le faire aux Etats-Unis », assure l’ancien dirigeant.

Christopher Wylie cite en outre les autres clients de Cambridge Analytica : « Le département de la Défense des Etats-Unis, celui du Canada, le ministère de la Défense du Royaume-Uni. » Lui s’est dit choqué d’apprendre « qu’une entreprise qui est sous contrat avec l’armée conseille aussi le président des Etats-Unis », ce qui présente à ses yeux un risque pour la démocratie. Mais son départ de la firme est dû selon lui à « une accumulation » d’éléments, qui a commencé d’ailleurs dès son embauche en 2013. « Le premier indice, c’est quand j’ai appris que le poste était vacant parce que mon prédécesseur était mort dans sa chambre d’hôtel à Nairobi [au Kenya], lorsque SCL travaillait pour [le président] Uhuru Kenyatta, et que personne ne pouvait expliquer ce qui s’était passé et pourquoi il était mort. » Il dit avoir eu connaissance de cette information deux mois après son arrivée dans l’entreprise.

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