753 148 candidats prendront part à la session 2018 du baccalauréat, un chiffre record lié à une forte pression démographique. Comme chaque année, le coup d’envoi de l’examen-roi est donné lundi 18 juin avec l’épreuve de philosophie. « La Croix » a demandé à quatre philosophes de définir les savoirs qu’un jeune de 18 ans devrait, selon eux, posséder en 2018.
« Le langage, dans toutes ses formes, constitue l’un des éléments essentiels de la nécessaire transmission entre les générations. À travers lui, nous voyons à quel point l’héritage est nécessaire, même pour rendre possible son propre dépassement. Le langage, qui nous vient des autres, fonde notre liberté personnelle.
Nous n’avons pas seulement besoin du langage comme d’une technique pour exprimer nos idées : nous avons également besoin du sens même des mots pour qu’ils nous apprennent à voir le monde autour de nous, à former notre pensée.
Dans l’orthographe, dans la chair même des mots se joue déjà leur signification. En enseignant la philosophie, j’ai l’occasion de m’appuyer à chaque instant sur l’étymologie, sur la racine des mots, sur ce qui les lie entre eux. Avoir une orthographe approximative nous prive de ces relations et du monde de significations qu’elles portent.
Ce qu’il faut transmettre, sans pouvoir savoir ce qu’il en adviendra, c’est à la fois le sens et le goût des mots. Il faut bien sûr faire place à la maîtrise de l’oral : en enseignant dans des zones sensibles, j’ai pu mesurer à quel point, chez des jeunes qui n’étaient pas moins talentueux que les autres, l’appauvrissement du langage rendait le dialogue difficile, et augmentait mécaniquement la tendance à la violence. Mais l’enseignement de l’écrit demeure essentiel, car il permet l’expérience d’une nécessaire distance.
On évoque de plus en plus, à l’école, la pluralité des langages (mathématiques, informatiques, etc.). Mais la condition de leur maîtrise, c’est la maîtrise d’une langue, et de ses mots. Mes collègues de maths disent que beaucoup d’élèves ont des difficultés dans leur discipline parce qu’ils peinent à verbaliser un raisonnement, ou ne comprennent pas l’énoncé des exercices… De même, bien parler sa langue est la condition pour pouvoir bien parler d’autres langues. C’est la condition de l’ouverture à l’autre. »