Wauquiez-Philippe, itinéraire de deux collègues de parti devenus adversaires

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Le Premier ministre Edouard Philippe débat jeudi soir avec le patron des Républicains, Laurent Wauquiez, dans L’Emission politique. Les deux hommes, qui ne s’apprécient guère, ont fait leurs gammes dans le même parti en restant toujours à l’écart l’un de l’autre.

Laurent Wauquiez et Edouard Philippe s’affrontent jeudi à la télévision. (Reuters)

L’un a longtemps mené son parcours politique dans l’ombre et est aujourd’hui chef de gouvernement. L’autre suit une stratégie personnelle depuis plusieurs années déjà et se présente désormais comme le leader de l’opposition. Edouard Philippe et Laurent Wauquiez se retrouvent jeudi soir sur France 2, où le second viendra porter la contradiction au premier, invité principal de L’Emission politique. Après Jean-Luc Mélenchon il y a tout juste un an sur ce même plateau, le Premier ministre va donc cette fois débattre avec un ancien collègue de parti.

Pourtant, malgré leur parcours commun au sein de l’UMP puis de LR, les deux quadragénaires n’ont jamais affiché une grande proximité. Au contraire même, ils ont tendance à ne pas s’apprécier et ont surtout suivi chacun une trajectoire parallèle, bien à distance l’une de l’autre. « On n’a jamais été amis » ni « dans une grande proximité », confirme Laurent Wauquiez jeudi dans Le Figaro. « On se connaît mal et depuis longtemps », répond Édouard Philippe dans le quotidien, qui confiait même dans un récent documentaire (tourné en 2016) qu’avec Wauquiez « on a la certitude que le pire est toujours possible ». Retour sur ces deux parcours.

Deux brillants diplômés dans les pas d’un mentor

Edouard Philippe et Laurent Wauquiez ont pour point commun leur scolarité : à quelques années d’intervalle – le Normand est de cinq ans l’aîné du natif de Lyon – ils sont tous deux passés par Sciences Po Paris puis par l’ENA, ce qui leur a valu ensuite tous deux une nomination au Conseil d’Etat. Le parcours d’ultra-diplômé de Laurent Wauquiez a d’ailleurs été parfois comparé à celui d’Alain Juppé, qui devint rapidement le mentor d’Edouard Philippe. Mais le jeune Wauquiez a mis ses premiers pas en politique dans ceux d’une figure du centre-droit : Jacques Barrot, responsable de l’UDF et ministre du Travail dans le gouvernement Juppé (1995-1997). Alors qu’il vient tout juste de sortir major de sa promotion à l’ENA, il est en 2002 son suppléant à l’Assemblée nationale.

Cette année 2002 correspond à la création de l’UMP, rassemblement du RPR de Chirac, Sarkozy et Juppé et d’une partie des troupes de l’UDF dont Barrot. Si Wauquiez suit cela à distance, Edouard Philippe est, lui, au coeur du processus. Adjoint au maire du Havre Antoine Rufenacht depuis 2001, ce dernier est approché par Alain Juppé pour poser les fondations du futur grand mouvement de la droite. Edouard Philippe devient même directeur général des services du parti lorsque son mentor en prend la tête, quelques mois plus tard.

Sous Sarkozy, Philippe dans l’ombre, Wauquiez se fait remarquer

Dès lors, pendant près de 15 ans, jusqu’à la primaire perdue de 2016, la carrière d’Edouard Philippe sera calquée sur celle d’Alain Juppé. Y compris dans les moments les plus compliqués. L’année 2004 représente d’ailleurs un tournant : la condamnation puis l’exil au Canada de l’ancien Premier ministre amène son lieutenant à devenir avocat, même s’il est dans le même temps élu conseiller régional de Haute-Normandie. A contrario, c’est à ce moment que Laurent Wauquiez prend pour la première fois la lumière. Jacques Barrot parti à la Commission européenne, le jeune homme de 29 ans récupère son siège à l’Assemblée nationale, celui de la première circonscription de Haute-Loire. Il se rapproche peu après du successeur d’Alain Juppé à la tête de l’UMP, Nicolas Sarkozy, notamment via leur ami commun auvergnat, Brice Hortefeux.

C’est au cours du quinquennat Sarkozy, de 2007 à 2012, que Laurent Wauquiez se révèle réellement. Il entre au gouvernement quand Alain Juppé en sort, balayé par les législatives un mois seulement après sa nomination dans l’équipe Fillon. Wauquiez est fait secrétaire d’Etat et même porte-parole, en première ligne donc pour défendre les réformes de la droite. Edouard Philippe, qui venait d’intégrer grâce à Juppé le cabinet du ministère de l’Ecologie, retourne dans le privé, cette fois à Areva. Il revient une nouvelle fois comme son mentor en 2010, lui en prenant la mairie du Havre et Alain Juppé en redevenant finalement numéro deux du gouvernement Fillon.

Entre temps, comme secrétaire d’Etat chargé de l’Emploi puis ministre des Affaires européennes, Laurent Wauquiez commence à se poser en chantre des classes moyennes. Et peaufine son statut d’électron libre de la droite, notamment lorsqu’il s’en prend en 2011 à « l’assistanat », ce qui lui vaut d’être recadré par le chef de l’Etat et – déjà – de se faire accuser d’aller sur le terrain de l’extrême droite. Cela ne freine pas son ascension puisqu’il termine le quinquennat Sarkozy ministre de l’Enseignement supérieur.

Au premier plan du divorce de deux droites

Passée dans l’opposition en 2012, la droite doit se reconstruire et se trouver un nouveau leader. Plusieurs conceptions s’opposent et cela ne va guère rapprocher le turbulent Laurent Wauquiez du très discret Edouard Philippe. L’ambitieux député de Haute-Loire, largement réélu, passe son tour pour la présidence du parti et choisit de s’allier à François Fillon contre Jean-François Copé. Alain Juppé et ses troupes restent neutres et assistent à la quasi-implosion de leur mouvement. Edouard Philippe, qui découvre alors à son tour l’Assemblée nationale comme député de Seine-Maritime, est de ceux-là.

La suite va permettre de clarifier davantage encore la situation politique de la droite même si le retour de Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP en 2014 va réunir toutes ces sensibilités au sein de la direction. Fort de son capital politique, Wauquiez devient le numéro 3 du parti – il sera même le numéro deux des « Républicains » l’année suivante – et Edouard Philippe fait figure de caution juppéiste dans l’équipe qui organisera la primaire de 2016. Celui-ci reste bien sûr au côté du maire de Bordeaux, grand favori, quand Laurent Wauquiez privilégie Nicolas Sarkozy à François Fillon. Président par intérim du mouvement lors de cette campagne, il est ensuite rétrogradé mais gardé par le vainqueur, François Fillon, qu’il avait soutenu au deuxième tour.

En 2017, « l’affaire Fillon » provoque le départ des juppéistes dont Edouard Philippe de l’équipe de campagne du candidat LR. Laurent Wauquiez, lui, défend son ex-allié mais se fait très discret lors de la campagne présidentielle. L’élection d’Emmanuel Macron change beaucoup de choses à droite : le nouveau président fait confiance au fidèle juppéiste, encore peu connu du grand public, pour diriger sa majorité. Tenant au contraire d’une ligne sans concession à l’égard du macronisme, Laurent Wauquiez se lance cette fois bel et bien dans la conquête de son parti afin de reprendre le leadership de l’opposition. Les anciens collègues ne peuvent plus s’ignorer. Leur duel télévisé jeudi soir est le symbole de l’affrontement de ces deux droites qui se font aujourd’hui concurrence.

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