Après avoir passé plusieurs jours sur le terrain, Emmanuel Macron est rentré vendredi soir à l’Elysée. Retour sur une semaine mouvementée pour le chef de l’Etat.
C’est la fin de son « itinérance mémorielle ». Avant un week-end de commémorations de l’Armistice de la Grande Guerre, Emmanuel Macron, qui avait quitté Paris dimanche dernier, est rentré vendredi soir à l’Elysée. « C’est un vrai bonheur. Vous me voyez? Je suis très heureux, parce que c’est ça le pays. [….] Je n’ai jamais pensé que c’était facile. J’ai été élu en me faisant secouer, et ça continuera jusqu’au bout », a déclaré le chef de l’Etat jeudi, comme un premier bilan de la séquence. « Je capte plein de choses, de messages, d’enseignements dont je ferai mon miel ».
Sur le terrain, Emmanuel Macron a enclenché une polémique sur le maréchal Pétain et multiplié les confrontations avec les Français sur les sujets du quotidien (carburants, retraite…). Rétrospective d’une semaine mouvementée.
Pétain, « un grand soldat » durant la Première guerre
Ce qu’il s’est passé
Il y a plusieurs étapes à cette polémique. Le dossier de presse de la Mission du Centenaire 14-18 qui évoque d’abord, le 18 septembre, une « cérémonie d’hommage aux huit maréchaux de la Grande Guerre aux Invalides » le dimanche 11 novembre à 9 heures, en présence d’Emmanuel Macron. Un mois plus tard, l’Elysée indique que le Président n’y assistera pas. Le 6 novembre, le chef d’Etat major des armées précise que la cérémonie – devenue un hommage aux « chefs militaires » – aura finalement lieu le samedi 10 novembre à 18h30, en présence du chef d’état-major particulier du Président, l’amiral Bernard Rogel. Cinq des huit maréchaux – ceux qui ont leur tombeau aux Invalides – seront « nommément honorés » par un dépôt de gerbe. Pétain, frappé d’indignité nationale pour son rôle dans le régime de Vichy (1940-1944), est, lui, inhumé à l’île d’Yeu.
Ce sont les propos tenus mercredi par Emmanuel Macron qui enclencheront réellement la polémique. Il juge alors « légitime » de rendre « hommage (samedi) aux maréchaux qui ont conduit l’armée à la victoire », y compris Pétain, estimant qu’il a été « pendant la Première Guerre mondiale un grand soldat » avant de conduire « des choix funestes » pendant la Deuxième Guerre en collaborant avec le régime nazi.
Pourquoi ça fait polémique
Parce qu’après la Première guerre mondiale, le maréchal Pétain a collaboré avec le régime nazi lors de la guerre de 39-45, dirigé le régime de Vichy, fait déporté des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, et signé l’armistice avec Adolf Hitler. En 1945, il est jugé pour intelligence avec l’ennemi et haute trahison et se verra frappé d’indignité nationale, la Cour le condamnant à la confiscation de ses biens et à la peine de mort, commué en emprisonnement à perpétuité du fait de son âge. « Ça recouvre tout le reste », s’est indigné le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand (LR), résumant la polémique. Après de nombreux responsables politiques et le CRIF dès mercredi, le Grand Orient de France, principale obédience maçonnique française, a estimé jeudi « inacceptable » tout hommage au maréchal Pétain.
Comment Macron se défend
Dès mercredi soir, l’exécutif avait tenté de tuer dans l’oeuf la polémique en annonçant que « le chef d’état-major fleurira la tombe des cinq maréchaux qui sont aux Invalides où il n’y a pas Pétain » et que « l’Etat français ne célèbrera donc pas Pétain ». Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a affirmé qu’il n’avait « jamais été question » de rendre hommage à Pétain samedi. « S’il y a eu confusion, c’est que nous n’avions pas été suffisamment clairs. »
Emmanuel Macron lui-même a tenu à préciser sa pensée. « Pétain a été un maréchal, un grand soldat, c’est la vérité historique. Mais il est évident que le même maréchal Pétain héros de 14-18 a été un dirigeant terrible qui a pris des décisions, au nom de l’Etat français, impardonnables », a déclaré le président de la République. « Je ne crois pas à la police de l’histoire, je ne crois pas au manuel d’histoire qu’on biffe », a-t-il conclu, insistant sur le fait qu’il n’avait « jamais été question d’avoir une célébration individuelle » pour l’ancien chef du régime collaborationniste de Vichy.
Sur le prix des carburants : « Vous avez vu la colère qui monte? »
Ce qu’il s’est passé
A plusieurs reprises au cours de son itinérance, Emmanuelle Macron a été interpellé sur la hausse du prix des carburants, alors qu’un appel à blocage a été lancé pour la journée du 17 novembre.
Dans un Ehpad à Rozoy-sur-Serre (Aisne) : « Je suis aide-soignante dans un foyer. La hausse du carburant fait que je me demande si je ne vais pas être obligée de démissionner », lui a dit une dame au bord des larmes.
Dans les rues de Verdun (Meuse) : « Vous avez vu la colère qui monte? Le 17 novembre vous allez la voir. »
Toujours à Verdun : « Quand on nous fait un cadeau d’un côté, on nous le reprend doublement de l’autre. »
A l’usine Renault près de Maubeuge (Nord) : « M. Macron, vous n’êtes pas le bienvenu ici. Avec l’augmentation de l’essence? vous reprenez d’une main ce que vous donnez de l’autre », lui a lancé un syndicaliste de SUD, Samuel Beauvois.
Pourquoi ça fait polémique
Le prix des carburants est au plus haut et plusieurs Français ont lancé des initiatives pour protester contre cette hausse – liée à la fois au cours du pétrole et aux taxes mises en place par le gouvernement – le 17 novembre prochain. Plusieurs partis politiques ont également appelé à faire entendre son mécontentement.
Comment Macron se défend
« La stratégie du gouvernement est la bonne », déclare Emmanuel Macron, en expliquant que la hausse des taxes sur le carburant servirait à financer la transition écologique. Il affirme aussi que la hausse du carburant était due aux « trois quarts » à la hausse des cours mondiaux. « Le carburant, c’est pas Bibi. » Il a d’ailleurs évoqué le fait que les distributeurs se sont engagés à répercuter au jour le jour la baisse des cours du brut sur les prix à la pompe.
« Ceux qui sont obligés de se déplacer chaque jour pour travailler » seront « mieux aidés », a répondu le Président à l’aide-soignante de l’Aisne. « Il y aura une réponse, j’entends cette inquiétude et elle est légitime », a répété Emmanuel Macron jeudi sur France 3. « On doit faire ces transformations. Mais dans les moments où c’est plus dur, où ça pèse sur le pouvoir d’achat, il faut pouvoir aider nos concitoyens », a-t-il insisté, indiquant attendre les propositions du gouvernement et du Parlement « dans les prochains jours ».
Sur la CSG : « Pourquoi vous nous écrasez? »
Ce qu’il s’est passé
C’est l’autre sujet pour lequel Emmanuel Macron a été pris à partie par plusieurs retraités lors de ses déplacements sur le terrain, notamment à Charleville-Mézières.
Pourquoi ça fait polémique
En voulant aller sur le terrain, Emmanuel Macron se frotte aux Français, notamment ceux qui sont impactés par sa politique. Il y a un an, le Président avait décidé d’une hausse d’1,7 point de la CSG (contribution sociale généralisée) pour une partie des retraités, leur demandant ainsi « un effort pour aider les jeunes actifs ». Depuis, ce sujet – qui a récemment été corrigé pour 350.000 foyers – revient fréquemment dans les déplacements du chef de l’Etat.
Comment Macron se défend
« Pourquoi on fait ça? On fait ça pour que le travail paie mieux », a expliqué Emmanuel Macron. « C’est indispensable car il faut remettre tout le monde au boulot », a poursuivi le chef de l’Etat, qui défend la politique menée et assure « ne massacrer personne ». A plusieurs reprises au cours de ces échanges, il a tenu à rappeler « être là [au pouvoir] depuis un an et demi, pas 30 ans ».
La question du pouvoir d’achat a également été abordé dans un autre échange relevé par L’Obs avec une jeune mère de famille qui a interpellé le Président sur le coût de la nourrice de ses enfants, « 700 euros », soit « la moitié de [son] salaire ». « Vous croyez que ça me donne envie de me passer de mes enfants 50 heures par semaine », l’a-t-elle interrogé. Réponse d’Emmanuel Macron : « C’est pour ça qu’on fait ce qu’on fait sur les cotisations sociales, pour que le travail paie mieux, qu’on a fait ce qu’on a fait sur la taxe d’habitation et qu’on va poursuivre ».