Budget : l’Italie refuse de plier face à la Commission européenne

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Le gouvernement populiste italien, sommé par la Commission européenne de revoir son budget pour 2019 avant mardi, a confirmé dans la soirée de lundi qu’il n’entendait pas céder, prenant le risque de sanctions financières, dont la mise en oeuvre reste néanmoins assez hypothétique.

L’Italie a refusé de plier face à l’Union européenne. Le gouvernement populiste avait jusqu’à mardi soir pour présenter un nouveau budget national pour 2019 conforme aux exigences de la Commission. Comme promis, la coalition du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue n’a pas répondu à ses exigences. « Le budget ne change pas, ni dans les bilans ni dans la prévision de croissance. Nous avons la conviction que ce budget est celui dont le pays a besoin pour redémarrer », a déclaré Luigi Di Maio, vice-Premier ministre et chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème).

« Notre objectif est de maintenir le déficit à 2,4% du PIB », a-t-il ajouté devant la presse à l’issue d’une réunion avec son allié Matteo Salvini, patron de la Ligue (extrême droite) et d’un conseil des ministres qui a approuvé la réponse que le ministre de l’Economie, Giovanni Tria, devait envoyer à la Commission.

Le 23 octobre, les autorités européennes avaient rejeté ce projet de budget, une première dans l’histoire de l’Union européenne. Seule issue pour Rome : proposer une nouvelle feuille de route, ce que le gouvernement de Luigi di Maio et de Matteo Salvini a refusé de faire. Ils prennent donc le risque de sanctions financières.

Bataille de calculs économiques

L’affaire ressemble à une bagarre de chiffres économiques. La coalition a proposé un budget tournant le dos à l’austérité dans le but de relancer une croissance exsangue. La croissance retrouvée devant permettre de réduire le déficit public et la dette, selon les Italiens. Rome prévoit une croissance de 1,5% de son PIB l’an prochain et un déficit budgétaire de 2,4% en 2019 et de 2,1% en 2020.

Pour Bruxelles, la croissance devrait plutôt être de 1,2% seulement, ce qui entraînera un dérapage du déficit à 2,9% du PIB en 2019 et à 3,1% en 2020. Plus sceptique encore, le FMI évoque dans un rapport publié ce mardi une croissance à 1% et un déficit budgétaire à 2,7% du PIB en 2019 et 2,8-2,9% en 2020.

Ces derniers jours, le ministre italien de l’Economie, Giovanni Tria, a accusé Bruxelles de « défaillance technique » dans ses calculs. Pour le président du Conseil Giuseppe Conte, les prévisions de la Commission « sous-évaluent l’impact positif » du budget et des réformes : « le déficit diminuera avec la croissance et ceci permettra de baisser le ratio dette/PIB à 130% l’an prochain et jusqu’à 126,7% en 2021 ». Actuellement, ce ratio était de 132%.

Si le déficit et la dette faisaient de la croissance, il y a longtemps que la France et l’Italie seraient les champions d’Europe

« Quand l’Italie demande de la solidarité européenne, elle ne peut pas dire dans le même temps qu’elle ne respecte pas les règles du jeu européen. Si le déficit et la dette faisaient de la croissance, il y a longtemps que la France et l’Italie seraient les champions d’Europe », a souligné Nathalie Loiseau, ministre chargée des Affaires européennes, mardi matin sur Sud Radio.

L’Italie risque des sanctions équivalentes à 3,4 milliards d’euros

En refusant de bouger sur ces principes, Rome risque gros : la « procédure pour déficit excessif » peut aboutir à des sanctions financières correspondant à 0,2% de son PIB, soit quelque 3,4 milliards d’euros.

Le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, a cependant multiplié les appels au dialogue, espérant arriver à « un compromis ». Mais Matteo Salvini, patron de la Ligue, a appelé à manifester le 8 décembre à Rome pour dire « pacifiquement » aux « messieurs de Bruxelles : laissez-nous travailler, vivre et respirer ».

Prochaine étape : le 21 novembre et la publication d’une mise à jour du rapport sur la dette par la Commission. « D’ici fin janvier, l’Italie sera en PDE mais le délai prévu pour préparer des plans de correction (environ trois à six mois) permettra à l’Italie d’atteindre les élections européennes sans obstacle, explique à l’AFP l’ancien économiste en chef du Trésor italien, Lorenzo Codogno.

Et « rien ne se passera avant que la nouvelle Commission soit en place » à l’automne 2019. D’après lui, faute d’action rapide au niveau européen, les marchés financiers seront, « comme d’habitude, les vrais gardiens de la discipline budgétaire ». D’ici là, l’Italie, habitué aux changements de coalition, aura aussi peut-être changé…

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