« L’affaire du siècle » : ces engagements climatiques que la France ne tient pas

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La pétition « l’affaire du siècle », qui soutient l’idée d’un recours judiciaire contre l’Etat pour inaction climatique, a déjà réuni plus d’1,68 million de signataires. Emissions de gaz à effet de serre, énergies renouvelables, consommation énergétique… passage en revue des engagements environnementaux que la France ne tient pas.

Nom de code : « l’affaire du siècle ». L’opération sonne comme un le titre d’un succès hollywoodien mais elle est très sérieuse. Il s’agit d’attaquer l’Etat français en justice, pour inaction face au réchauffement climatique. A l’origine de cette campagne, quatre ONG environnementales : la Fondation pour la Nature et pour l’Homme, Greenpeace France, Oxfam France et Notre affaire à tous. Pour les soutenir, elles comptent sur l’opinion publique. Déjà, leur pétition bat tous les records. Plus d’un million de signatures en 48 heures, plus d’1,68 millions en une semaine… En France, jamais une pétition n’avait frappé si fort, si vite.

Le 17 décembre dernier, ces quatre associations ont adressé aux autorités une lettre préalable à une action en justice. L’Etat a deux mois pour répondre. Si la réponse est jugée insuffisante par les ONG, elles pourront, au printemps prochain, déposer un recours devant le tribunal administratif. La procédure pourrait durer des années et s’achever devant le Conseil d’Etat. Pour ces associations, la France manque à ses engagements internationaux, européens et nationaux en matière climatique. « L’action défaillante de l’État en matière de lutte contre le changement climatique traduit une carence fautive de l’État à respecter son obligation de protection de l’environnement, de la santé et de la sécurité humaine », soutiennent les ONG dans leur document préalable.

Alors, qu’en est-il vraiment? Charte de l’environnement (inscrite dans la Constitution), paquet climat-énergie de l’Union européenne, accord de Paris sur le climat… La France réaffirme régulièrement sa volonté de lutter contre le changement climatique. Et pourtant, plusieurs chiffres montrent que l’Hexagone ne respecte pas ses engagements.

Émissions de gaz à effet de serre : un dépassement de 4% des objectifs
Ce que la France avait promis
Décembre 2015, la France, pays-hôte de la COP 21, se pose en championne de l’environnement et arrache la signature de l’Accord de Paris sur le climat. Dans ce texte, les signataires promettent de contenir la hausse de la température terrestre « bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels ». Mieux, ils entendent « poursuivre les efforts pour limiter la hausse à 1,5°C ». Pour cela, la France promet de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030.

Auparavant, en août 2015, le gouvernement avait adopté un autre texte ambitieux : la loi sur la transition énergétique. Elle vise une réduction de 75% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 d’ici 2050. La loi décline différents objectifs à plus ou moins long terme. Pour la période 2015-2050, elle prévoit une réduction des émissions d’environ 20% par rapport à 1990.

Ce que la France a fait

A peine paraphés, ces engagements semblent avoir été oubliés. Pour le moment, la France n’a pas atteint ses objectifs. Pire, les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse en 2016 et en 2017. Résultat : en 2016, le plafond d’émissions prévu a été dépassé de 3,6%, selon le ministère de la Transition énergétique. En 2017, rebelote. Le volume maximal d’émissions a été dépassé de 3,7%. La faute, explique le document de suivi, à des facteurs structurels pour l’essentiel. Le secteur du bâtiment a particulièrement dérapé, avec un écart de 22,7% par rapport à son objectif. Seuls les secteurs de l’industrie, de la production d’énergie et des déchets remplissent, voire dépassent, leurs missions.

Au final, le seuil maximal d’émissions fixé par le premier « budget carbone », pour la période 2015-2018, a été dépassé de 4%. Retards après retards, le ministère a renoncé à la trajectoire qu’il s’était fixé pour la période 2019-2023. Début décembre, une version remaniée de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) a été présentée. Désormais, l’Etat vise la neutralité carbone d’ici 2050 mais en prenant une route moins rapide.

Énergies renouvelables : la consommation d’énergies fossiles continue d’augmenter
Ce que la France avait promis
La loi sur la transition énergétique prévoit d’augmenter la part des énergies renouvelables, en la portant à 23% de la consommation finale d’énergie d’ici 2020, et à 32% d’ici 2030. Un objectif déjà posé par une directive européenne en 2009. Elle compte aussi réduire la consommation d’énergies fossiles de 30% d’ici 2030 par rapport à 2012.

Ce que la France a fait

Selon l’Observatoire climat énergie, un outil développé par l’ONG Réseau Action Climat et qui compile les données environnementales, les énergies renouvelables représentaient 16,3% de la consommation française d’énergie en 2017. Pourtant, le gouvernement s’était fixé un objectif de 19,5%. Traduction : le chiffre de 23% s’éloigne dangereusement.

Côté énergies fossiles, ce n’est pas mieux. En 2017, la consommation de pétrole, charbon et gaz naturel a augmenté. Résultat : elle est supérieure de 4,5% par rapport à l’objectif fixé.

Efficacité énergétique : la France quatre fois trop lente
Ce que la France avait promis
Pour contrer la hausse de la température mondiale, l’Etat français s’est aussi engagé à réduire et maximiser sa consommation d’énergie. La loi de transition énergétique prévoit de réduire la consommation énergétique finale de 20% en 2030 et de 50% en 2050 par rapport à 2012.

Ce que la France a fait

Pour le moment, on en est loin. La consommation d’énergie a même augmenté en 2017. L’écart par rapport à l’objectif est de 4,2%. Selon l’IDDRI, un think tank environnemental, il faudrait aller quatre fois plus vite dans l’amélioration de l’efficacité énergétique pour atteindre l’objectif de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Par ailleurs, la loi sur la transition énergétique tablait sur 500.000 rénovations énergétiques annuelles à partir de 2017. A la traîne, la France a dû corriger sa copie. Désormais, elle vise 300.000 bâtiments rénovés par an jusqu’en 2030.

Au total, sur les neuf engagements qu’évalue l’Observatoire climat énergie, un seul a été tenu en 2017 (l’objectif de réduction des émissions industrielles). Pourquoi ces sorties de route? Pour l’Institute for Climate Economics (I4CE), c’est une question d’argent. Dans une étude, parrainée par le ministère de la Transition énergétique et l’Agence de l’environnement (Ademe), l’institut indique que 41,2 milliards d’euros ont été investis pour faire face au changement climatique en 2017, dont 20 milliards par les pouvoirs publics. Or, pour atteindre ses objectifs, il faudrait 10 à 30 milliards d’euros supplémentaires annuels.

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