Loi contre la cyberhaine, audit de certaines écoles… Devant le Crif, mercredi soir, Emmanuel Macron a annoncé plusieurs mesures pour « tracer de nouvelles lignes rouges » contre l’antisémitisme.
« L’antisémitisme n’est pas le problème des Juifs, c’est le problème de la République.” Ton solennel et grave, Emmanuel Macron a promis, mercredi soir, des « actes tranchants » contre l’antisémitisme, lors du 34e dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Chaque année, ce rendez-vous très politique rassemble ministres, diplomates et autres personnalités. Mais cette année, le contexte était particulièrement tendu. L’année 2018 a vu une explosion des actes antisémites, de 74%. Mardi encore, un cimetière juif a été profané à Quatzenheim, dans le Bas-Rhin. « Parce que la période met en cause ce que nous sommes, la France doit tracer de nouvelles lignes rouges », a clamé le Président.
« Notre pays – comme d’ailleurs l’ensemble de l’Europe et la quasi-totalité des démocraties occidentales – est confronté à une résurgence de l’antisémitisme sans doute inédite depuis la Seconde Guerre mondiale, a constaté Emmanuel Macron. […] La honte doit changer de camp. »
Une loi contre les propos antisémites sur Internet
Premier acte annoncé par Emmanuel Macron, le dépôt, en mai, d’une proposition de loi contre la haine sur Internet. Y compris, donc, la haine antijuifs. Cette proposition de loi portée par la députée En Marche Laëtitia Avia se nourrit d’un rapport sur le sujet, remis en septembre 2018.
La méthode privilégiée est de « renforcer la pression sur les opérateurs » et de les responsabiliser juridiquement. Concrètement, les plateformes seront tenues de retirer les contenus appelant à la haine « dans les meilleurs délais » (« 24 heures », avance Gil Taïeb, vice-président du Crif) de « mettre en oeuvre toutes les techniques » pour identifier leurs auteurs.
Une définition élargie de l’antisémitisme
Le Président a ajouté qu’il allait « mettre en oeuvre » une définition de l’antisémitisme qui inclut l’antisionisme, « une des formes modernes de l’antisémitisme ». La définition retenue est celle de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste. La France s’était déjà prononcée en faveur de cette définition, tout comme ses voisins européens.
« Il ne s’agit pas, a précisé le chef de l’Etat, de modifier le code pénal, encore moins d’empêcher ceux qui veulent critiquer la politique israélienne de le faire. » Cela permettra d’adopter des recommandations pour mieux former les agents publics à lutter contre l’antisémitisme, a indiqué l’Elysée. Le Président s’était récemment exprimé en défaveur d’un « délit d’antisionisme ».
« On demandait depuis des années la reconnaissance de l’antisionisme. Si les moyens sont mis en oeuvre pour que les paroles antisémites puissent être condamnées, c’est pour nous une avancée essentielle », a salué Gil Taïeb.
Un audit sur la « déscolarisation » d’enfants juifs
Emmanuel Macron a estimé que, « trop souvent », des enfants juifs de certains quartiers sont obligés de « quitter l’école publique » face à la haine et aux préjugés antisémites. « Quand une telle déscolarisation se passe, elle dit quelque chose, parfois de ce que nous voulions ou ne pouvions voir. »
Pour avoir une vue plus précise sur ces défections, le chef de l’Etat dit avoir confié au ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, le soin de lancer un « audit » des établissements concernés. L’école, affirme Emmanuel Macron, doit jouer « son rôle de rempart républicain ».
Des groupuscules extrémistes dissous
Autre moyen d’endiguer les actes haineux : entraver les « associations ou groupements » racistes et antisémites. Emmanuel Macron a annoncé que trois organisations ont été dissoutes. Il s’agit des groupes d’extrême droite Bastion social, Blood and Honour Hexagone et enfin Combat 18.
Ce discours était particulièrement attendu par les représentants de la communauté juive. La veille, quelque 20.000 personnes s’étaient rassemblées à Paris et partout en France pour dénoncer l’antisémitisme. Avant l’allocution d’Emmanuel Macron, le président du Crif Francis Kalifat a de son côté dénoncé « l’antisémitisme de certains musulmans, l’antisémitisme de certains gilets jaunes ».