Le Sénat a adopté définitivement mardi soir la loi anti-casseurs. Le gouvernement avait repris cette proposition de loi Les Républicains dans le contexte des manifestations des Gilets jaunes.
Le Parlement a adopté définitivement mardi soir, par un ultime vote du Sénat, le texte anti-casseurs soutenu par le gouvernement, mais certaines mesures controversées risquent d’être annulées, Emmanuel Macron ayant lui-même décidé de saisir le Conseil constitutionnel, comme le fera la gauche. « Cette saisine permettra de lever les doutes, elle permettra de lever tous les soupçons », a expliqué devant les sénateurs le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, défendant « une proposition de loi de protections ».
Interdictions préventives de manifester – mesure qui a cristallisé les critiques -, fouilles, délit de dissimulation du visage : la majorité sénatoriale de droite a approuvé le même texte que celui voté par les députés début février, dénoncé comme « liberticide » à gauche et critiqué par certains élus de la majorité présidentielle.
« Le Sénat a joué à un jeu », estime le député En Marche Sacha Houlié
La proposition de loi a été adoptée par 210 voix contre 115 et 18 abstentions. Socialistes et CRCE (à majorité communiste) ont bataillé pied à pied contre les différentes dispositions. « Ce texte ne comporte pas le début d’une once d’arbitraire », a assuré le ministre, soulignant que « la justice reste l’ultime garant des libertés ».
L’annonce d’une saisine présidentielle, avant même l’adoption du texte, a été critiquée par des sénateurs de gauche comme de droite. Le président du groupe socialiste, Patrick Kanner, y a vu « une intrusion anormale dans le débat parlementaire ». « On a connu mieux comme reconnaissance de paternité », a lancé Jérôme Durain (PS), alors que l’auteur de la proposition de loi initiale, Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs LR, raillait la « pensée complexe » de l’exécutif qui « a pu parfois nous dérouter ». « Le Sénat a joué à un jeu », a estimé dans les couloirs de l’Assemblée le député En Marche Sacha Houlié. « Qu’il en assume donc l’entière responsabilité. »
Saisine présidentielle du Conseil constitutionnel
Une saisine présidentielle, initiative très rare, coupe en tout cas l’herbe sous le pied aux « marcheurs » mécontents, qui auraient pu être tentés de s’associer au recours que quelque 80 députés PS, LFI, PCF, Libertés et territoires et quelques UDI-Agir et non-inscrits sont prêts à formuler. Les sénateurs socialistes ont eux aussi annoncé leur intention de déposer un recours dès mercredi matin.
La proposition de loi, qui visait initialement les « black blocs », avait été approuvée une première fois au Palais du Luxembourg en octobre. Le gouvernement l’avait reprise à son compte en janvier, après les premières manifestations de Gilets jaunes. « Ce texte ne vise pas les ‘gilets jaunes’, il vise au contraire les cagoules noires », a souligné Bruno Retailleau, rappelant que pour lui « le coeur du texte est le délit de dissimulation du visage ». Le sénateur de Vendée a justifié le vote de la majorité sénatoriale par « un souci d’efficacité » : « Nous ne voulons pas laisser un seul pouce de terrain à l’ultra violence ».
Réclamées par des syndicats policiers, mais critiquées sur certains aspects par des magistrats et avocats, les mesures ont été amendées à l’Assemblée fin janvier, pour un meilleur équilibre entre maintien de l’ordre et libertés publiques. Des sénateurs estiment au contraire que le texte a été « durci ».