Gilets jaunes, Castaner, LBD : sous pression, les forces de l’ordre disent leur ras-le-bol

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Très sollicitées depuis le début de la crise des Gilets jaunes, les forces de l’ordre sont excédées par les variations de stratégie de l’exécutif et les critiques dont elles font l’objet.

Edouard Philippe ne s’y est pas trompé. Après avoir égrené les mesures pour répondre aux violences qui ont émaillé le rassemblement des Gilets jaunes samedi à Paris, le Premier ministre a conclu son allocution lundi par un message aux forces de l’ordre saluant leur « engagement » et leur « professionnalisme ». « Je sais pouvoir compter sur eux et je sais que même sous la pression, ils continuent de faire preuve de maîtrise et d’exemplarité. J’attends que le pays tout entier se regroupe derrière eux », a-t-il déclaré.

Un message loin d’être anodin, alors que les forces de l’ordre ont laissé poindre un certain agacement ces dernières semaines. Très sollicitées, notamment au début du mouvement des Gilets jaunes, au moment où la mobilisation était le plus forte, elles ont multiplié les heures supplémentaires. Le 8 décembre, lors de l’acte 4, la quasi-totalité des compagnies de CRS et des escadrons de gendarmes mobiles avait été mobilisés dans l’une des plus vastes opérations de maintien de l’ordre des dix dernières années. Frédéric Lagache, numéro deux du syndicat Alliance, avait évoqué mi-décembre des « policiers qui vont au boulot épuisés ».

Critiqués pour leur utilisation des LBD
Anticipant un mouvement social parmi les forces de l’ordre, le gouvernement avait alors accepté une revalorisation salariale des policiers en plus d’une prime exceptionnelle de 300 euros et de la promesse du paiement des heures supplémentaires. Depuis, la mobilisation des Gilets jaunes a diminué, mais les forces de l’ordre sont restées très exposées. Les violences en marge des manifestations se sont en effet poursuivies et l’utilisation des lanceurs de balles de défense (LBD) a été très critiquée après les blessures de plusieurs manifestants.

Mercredi dernier, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a même réclamé à la France une « enquête approfondie » sur les violences policières qui se seraient produites pendant les manifestations des Gilets jaunes. Le défenseur des droits Jacques Toubon réclame, lui, l’interdiction des LBD. Un débat qui a eu des conséquences puisque samedi, l’arme a été moins utilisée. Des consignes ont ainsi été passées pour limiter leur nombre et adopter une munition d’une portée réduite.

« Depuis le début du mouvement, il y a eu plus de 15.000 tirs de LBD et on a eu 0,1 blessé sérieux, c’est-à-dire une blessure non-conventionnelle. Ce n’est rien. Ces derniers jours, sous les attaques des associations, de certains politiques, et même de certaines organisations internationales qui ont accusé la France d’avoir une police digne de Pinochet, nos politiques ont dit : ‘on va préserver le flash-ball, mais on va mettre dedans des cartouches chamallow' », a dénoncé sur RMC Loïc Lecouplier, secrétaire national du syndicat Alliance.

Déstabilisés par les variations de stratégies
L’exécutif s’est défendu d’avoir passé de telles consignes et a rejeté la faute sur le préfet de police, Michel Delpuech, qui a été limogé lundi et qui va être remplacé par Didier Lallement. Celui-ci aura fort à faire puisque les policiers apparaissent déstabilisés par les variations de stratégie. « Nos collègues commencent à se poser la question de comment il faut intervenir puisqu’un coup ils sont trop loin, un coup trop près, un coup ils interviennent trop, un coup pas assez… », a déclaré Stanislas Gaudon, secrétaire administratif général adjoint d’Alliance, sur BFMTV.

Un malaise qui s’inscrit dans un contexte plus large. Déjà en octobre 2016, des policiers avaient organisé des manifestations nocturnes après l’attaque de quatre de leurs collègues à Viry-Chatillon. Deux d’entre eux avaient été sérieusement blessés à la suite de jets de cocktails molotov. Un sujet qui est revenu récemment. Dans un communiqué diffusé le 7 mars, le syndicat Alliance a invité l’ONU à demander aux manifestants de suspendre l’utilisation des cocktails molotov, des jets d’acide, de boulons, de pavés, de barrières, de boules de pétanque, de billes d’acier et autre « cacatov » (contenant rempli d’excréments parfois utilisé lors des manifestions).

Les forces de l’ordres s’agacent également d’être régulièrement pointées du doigt. « Mes collègues n’en peuvent plus d’entendre tous les jours que ce sont des cow-boys, des violents », a encore déclaré Stanislas Gaudon. L’interpellation à Mantes-la-Jolie début décembre de dizaine de jeunes, à genoux, les mains sur la tête, avait par exemple choqué l’opinion publique et valu à la police plusieurs critiques. Elle a aussi été ciblée par plusieurs vidéos montrant des violences policières.

Enfin, les forces de l’ordre s’interrogent sur l’attitude du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, qui a été photographié en discothèque au soir de l’acte 17 des Gilets jaunes. « C’est une faute professionnelle quand vous êtes premier flic de France. Samedi, on demandait aux policiers et aux gendarmes une mobilisation sans précédent sur les ‘gilets jaunes’ et nous allons être la risée de tous! », s’indignait la semaine dernière un responsable policier auprès du Parisien.

« Changer toutes les têtes en pleine crise n’est jamais bon », estime toutefois David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN-Unsa). « Quels que soient les hommes, il faut donner les moyens pour être efficaces », renchérit Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint d’Alliance. Une de leur revendication est notamment l’application rapide de la loi anti-casseurs qui renforce l’arsenal répressif mais qui doit encore passer devant le Conseil constitutionnel.

Mais la nouvelle stratégie du gouvernement pour contrer les casseurs lors des manifestations des Gilets jaunes risque encore de les mettre sous pression, en les amenant davantage à aller au « contact » et à procéder à plus d’interpellations. « Je sais que j’accrois la pression sur les forces de l’ordre, j’accrois encore leur nécessité d’être exemplaire. Mais je sais aussi que nous ne pourrons pas répondre à ceux qui viennent exclusivement pour casser en les regardant casser et en espérant qu’il n’y ait pas de blessé ou pas de mort », a justifié Edouard Philippe lors des questions d’actualité à l’Assemblée nationale ce mardi.

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