Au lendemain de la nomination d’un nouveau gouvernement, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a finalement décidé de démissionner, a annoncé lundi l’agence de presse officielle APS. Il doit quitter le pouvoir avant le 28 avril, date officielle de la fin de son mandat actuel.
Après les manifestations géantes, il aura fallu la pression de l’armée pour faire basculer le pouvoir algérien. Depuis mardi dernier, le général Ahmed Gaïd Salah, chef de l’armée, réclame l’activation de l’article 102 de la Constitution prévoyant l' »empêchement » du président pour raison de santé. Le clan Bouteflika a finalement cédé lundi : le président algérien démissionnera avant l’expiration de son mandat, le 28 avril prochain, a annoncé la présidence de la République dans un communiqué cité par l’agence de presse officielle APS. Abdelaziz Bouteflika prendra auparavant des « mesures pour assurer la continuité du fonctionnement des institutions de l’Etat durant la période de transition », indique le communiqué, sans autre précision.
Au pouvoir depuis 20 ans, le président Bouteflika est confronté depuis le 22 février à une contestation massive et inédite, réclamant son départ et celui de son entourage et plus largement celui du « système » au pouvoir.
Une pression accrue depuis 24 heures
Hasard ou annonce codée? L’éditorial du quotidien d’Etat El Moudjahid, traditionnel vecteur de messages du pouvoir, s’intitulait lundi « Le début de la fin? ». « La proposition de l’armée de recourir aux dispositions de la Constitution » pour que le chef de l’Etat quitte le pouvoir « est la seule qui offre une porte de sortie claire et convaincante », notait le journal.
Ces dernières heures, la pression s’était accentuée un peu plus sur le clan Bouteflika. Dimanche, l’annonce d’un nouveau gouvernement n’a pas semblé apaiser ni la rue ni l’état-major de l’armée, mobilisés pour obtenir le départ du chef d’Etat. Pourtant, le général Ahmed Gaïd Salah avait été reconduit au poste de vice-ministre de la Défense au sein de cet exécutif, toujours dirigé par le président algérien aujourd’hui reclus dans sa résidence médicalisée de Zeralda, à l’ouest de la capitale.
Cela n’a pas empêché l’arrestation par les forces de l’ordre, dans la nuit de dimanche à lundi, à un poste-frontière avec la Tunisie, de l’homme d’affaires Ali Haddad, PDG du principal groupe de BTP du pays, largement dépendant des marchés publics, et très proche des frères Abdelaziz et Saïd Bouteflika. Les raisons de son interpellation sont encore inconnues.
Le général Gaïd Salah tente-t-il de rester au coeur du système?
Avec la démission du chef d’Etat, les regards se tournent vers Ahmed Gaïd Salah, qui a déjà reçu les soutiens de certains médias, comme la chaîne privée Echourouk TV qui était jusqu’alors l’un des principaux relais du clan Bouteflika, ou encore de plusieurs opposants politiques.
Ainsi, le chef du Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste), Abderrazak Makri, s’est déclaré dimanche favorable à la fin de « l’ère Bouteflika » et à « l’accompagnement de l’institution militaire » afin de « parvenir à une solution et réaliser le consensus national et la transition démocratique souple ». L’ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, a aussi salué la démarche d’Ahmed Gaïd Salah à vouloir une procédure d' »empêchement ».
Invité dimanche de TSA direct, l’émission de débat dominical du site d’informations indépendant TSA (pour Tout sur l’Algérie), Karim Tabbou, coordinateur de l’Union démocratique et sociale (UDS), a toutefois rappelé que la rue réclamait « le départ de tout le système ». « Le peuple ne préfère pas un clan à un autre. Il veut un état de droit », a encore insisté cet opposant, considérant que « Gaïd Salah croit encore à la possibilité de gérer la transition par les institutions actuelles ».
Selon la Constitution, une fois la démission d’Abdelaziz Bouteflika actée, c’est le président du Conseil de la Nation – le Sénat algérien -, Abdelkader Bensalah, 77 ans, qui assurera l’intérim durant une période maximale de 90 jours au cours de laquelle une élection présidentielle est organisée.