L’âge de départ à la retraite est aujourd’hui fixé en France à 62 ans. Un cap « légal » et très théorique qu’une partie de la classe politique veut remettre en cause pour financer la réforme de la dépendance. Explications.
Jeudi matin sur RTL et BFMTV, les ministres Gérald Darmanin (Comptes publics) et Bruno Le Maire (Economie), les deux anciens responsables de droite aujourd’hui aux commandes de Bercy, relançaient une nouvelle fois le débat sur l’âge de départ à la retraite. Faut-il relever cet âge, aujourd’hui fixé à 62 ans en France, dans le cadre de la prochaine réforme des retraites? Pendant sa campagne, Emmanuel Macron avait promis qu’il n’en serait rien. Malgré tout, le dossier reste sur la table. Voici pourquoi.
Pourquoi part-on à la retraite à l’âge de 62 ans?
Avant tout, l’âge de départ à la retraite est un droit et non pas un devoir : tout citoyen né à partir de 1955 (les personnes qui ont eu ou auront 64 ans en 2019) a le droit de toucher une retraite à partir de 62 ans France. Pour les personnes nées avant 1955, l’âge légal de départ à la retraite diffère selon l’année de naissance, n’excédant pas toutefois les 60 ans.
« C’est une borne de liberté de choix car, le système étant fondé sur la solidarité, ça ne peut pas être open bar », résumait fin mars au JDD Dominique Corona, secrétaire national de l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa).
Tout le monde ne part pas à l’âge de 62 ans
62 ans, c’est toutefois un âge très théorique. Pour percevoir une pension complète (dite « à taux plein), il faut avoir cotisé un certain nombre de trimestres. Entre 62 ans et 67 ans, un salarié qui n’a pas cotisé le nombre optimal de trimestres subit des décotes, des malus qui minorent sa pension. A partir de l’âge de 67 ans, il peut en revanche toucher sa pension sans aucune décote.
En dix ans, l’âge de départ réel a ainsi grimpé d’un an. Les femmes partent ainsi en moyenne à 62,8 ans, les hommes à 62,5 ans. 22% des salariées vont même jusqu’à 67 ans, âge du taux plein et où le système de malus disparaît.
Il existe une limite maximale : à moins d’être un autoentrepreneur ou un travailleur indépendant (type artisan), un âge de départ à la retraite maximal a été fixé à 70 ans, lors d’une réforme en 2009. Cela ne veut pas dire qu’une personne ne peut plus être salariée au-delà des 70 ans, mais qu’une entreprise peut la mettre à la retraite d’office au-delà de cet âge.
Comme souvent en France, il y a des exceptions à ce système, la plus notable étant le dispositif « travailleurs handicapés » : mis en place en 2004, il permet aux personnes touchées par une incapacité permanente d’au moins 50% de partir à la retraite à partir de l’âge de 55 ans.
Que changerait le relèvement de l’âge de départ à la retraite?
Le principe est simple : plus les Français travaillent, plus ils cotisent pour le système des retraites. Relever l’âge légal de départ à la retraite est donc un puissant levier pour les finances publiques et permet le rééquilibre d’un système largement déficitaire. En 2010, sous Nicolas Sarkozy, le ministre Eric Woerth constate un déficit de 10 milliards d’euros. Il relève alors l’âge de départ légal à la retraite de 60 à 62 ans (et l’âge de départ réel de 65 à 67 ans), calculant un gain de 8,5 milliards d’euros.
Aujourd’hui, un recul d’un an de l’âge légal de départ ou une hausse d’un an (ou de quatre trimestres) de la durée de cotisation requise pour obtenir une pension à taux plein amélioreraient de 11 milliards d’euros le solde des régimes de retraite.
Certains, notamment au gouvernement, plaident cependant pour que les milliards d’euros obtenus en relevant l’âge de départ à la retraite n’aille pas dans les caisses du système des retraites, mais finance une réforme à venir de la dépendance.
Un sujet sensible encore inscrit dans le clivage droite-gauche
Le relèvement de l’âge de départ à la retraite est un casus belli pour les syndicats. Quand, en 2010, Nicolas Sarkozy impose sa réforme, il provoque une importante mobilisation dans la rue. Depuis, droite et gauche n’ont eu de cesse de s’affronter sur le sujet.
L’élection d’Emmanuel Macron n’a pas effacé cette ligne de clivage. Le chef de l’Etat, venant lui-même de la gauche, a promis, lors de sa campagne, de ne pas toucher à l’âge de départ à la retraite. Son Premier ministre Edouard Philippe a, lui, jugé mi-mars que les Français pouvaient travailler « un peu plus longtemps », et ce, pour financer dans son esprit une réforme de la dépendance.
Sans surprise, la sortie du Premier ministre a provoqué une levée de boucliers chez les anciens socialistes de la majorité. Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale, a appelé à la prudence et au respect des syndicats, qui ont rétabli la ligne rouge de l’âge de départ à la retraite.
Le député En marche Olivier Véran, rapporteur général de la commission des Affaires sociales, a appelé chacun à « éviter de remettre des pièces dans la machine », alors que son collègue Guillaume Chiche, lui-aussi LREM et ex-PS, s’est élevé contre « les postures idéologiques ».
À un journaliste qui lui faisait observer jeudi matin que d’un côté, l’exécutif explique qu’on ne touchera pas à l’âge légal dans le cadre de la réforme des retraites mais que, de l’autre, on ne l’exclut pas dans le cadre de la réforme de la dépendance, Édouard Philippe a répondu que la question était posée « de la meilleure des façons », raconte l’AFP.
« Je pourrais reprendre tous les mots que vous avez dits », a encore ajouté le chef du gouvernement. Emmanuel Macron devra désormais trancher et il lui sera difficile de faire du « en même temps » : soit l’âge de départ sera relevé, soit il ne le sera pas.