En débat au Parlement, la loi Pacte prévoit, entre autres, la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP). Un dossier qui cristallise les passions, des élus de l’opposition souhaitant convoquer un référendum d’initiative partagée.
En pleine sortie du grand débat, au moment où la fiscalité et le pouvoir d’achat des Français sont au centre de l’attention médiatique, des parlementaires de l’opposition ont réalisé un coup de force mardi en annonçant avoir recueilli les signatures nécessaires à un possible référendum d’initiative partagée (RIP) contre… la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP), prévue dans la loi Pacte que le Sénat a rejeté mercredi en seconde lecture. Un dossier qui mobilise aussi une partie des Gilets jaunes : une délégation emmenée par Eric Drouet devait être reçu sur le sujet mardi au Sénat, mais le rendez-vous a finalement été annulé.
De quoi parle-t-on?
Le Sénat de droite comme la quasi-totalité des partis d’oppositions à l’Assemblée nationale ont fait de la privatisation d’ADP un casus belli dans le cadre de l’examen de la loi Pacte, ce texte défendu par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire qui doit permettre de nouvelles marges de manœuvre aux entreprises françaises.
Transformée en société anonyme en 2005, ADP est la régie qui gère tous les aéroports civils d’Ile-de-France. Roissy, Orly et le Bourget bien sûr, mais aussi 10 petits aérodromes et l’héliport de Paris, situé à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). ADP a également investi dans de nombreux aéroports à l’étranger.
Nous ne vendons pas les bijoux de famille, nous finançons les futurs joyaux de la couronne
Le groupe est principalement détenu par l’Etat à 50,6%, par Schipol Group (qui gère l’aéroport d’Amsterdam) à 8% et par Vinci 8%. Ce dernier est clairement intéressé par le rachat d’une majorité des actions de l’Etat français, ce qui ferait de cette multinationale française le premier groupe aéroportuaire mondial.
La vente, sous conditions, des parts de l’Etat, pour un montant évalué à 9,5 milliards d’euros, doit notamment permettre d’abonder un nouveau fonds consacré à l’innovation. « Nous ne vendons pas les bijoux de famille, nous finançons les futurs joyaux de la couronne », a résumé Bruno Le Maire devant les députés pour justifier l’opération.
Les raisons d’une forte opposition
« Mauvais projet », « faute stratégique », « aberration économique »… Lors du débat parlementaire sur la loi Pacte, la privatisation d’ADP a cristallisé les tensions entre le gouvernement et l’opposition.
Pour beaucoup, vendre ADP, c’est « tuer la poule aux œufs d’or », selon l’expression du député communiste Sébastien Jumel. ADP est en effet l’une des entreprises les plus rentables de l’Etat, mais aussi un excellent percepteur : l’Etat perçoit directement d’importantes taxes aéroportuaires via la régie francilienne.
Une partie de l’opposition voit aussi en cette privatisation « un cadeau » pour Vinci – ce qui serait « un scandale d’Etat » selon l’Insoumis François Ruffin. Certains élus, notamment issus de La France insoumise et du Rassemblement national, évoquent aussi « un abandon de souveraineté nationale » au profit d’un système ultralibéral.
Le risque d’une hausse des prix des billets d’avion
Iata, l’association internationale des transporteurs aériens, n’est pas formellement opposée à la privatisation d’ADP. Mais cette organisation mondiale a émis un sérieux avertissement à l’adresse du gouvernement français : elle critique le maintien, prévu par Bercy, d’une « double caisse ».
Le principe de la « double caisse »? Permettre à une régie aéroportuaire de séparer les revenus des services aéronautiques (peu rentables) de ceux des commerces et équipements (parkings, transports en commun, etc). Une optimisation fiscale qui permettrait à ADP d’augmenter les redevances qui pèsent sur les compagnies aériennes. Ce qui, in fine, fait augmenter les prix des billets d’avion.
Sur ce sujet, Bruno Le Maire a toutefois promis un cahier des charges strict qui empêchera le futur propriétaire d’ADP de faire augmenter les redevances aéroportuaires. Une partie de l’opposition a toutefois en tête l’exemple de la privatisation des autoroutes, effectuées entre 1999 et 2007 sous Chirac, et qui a provoqué une hausse des tarifs des péages.