Soudan : comment le président Omar el-Béchir a été destitué après 30 ans passés au pouvoir

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A la tête du Soudan depuis 1989, le président Omar el-Béchir, qui faisait face à une contestation populaire depuis quatre mois, a été renversé jeudi par l’armée. La hausse du prix du pain est à l’origine de cette colère, mais ce n’est pas seulement ce qui a conduit à la chute du dictateur.

« J’annonce, en tant que ministre de la Défense, la chute du régime et le placement en détention dans un lieu sûr de son chef. » C’est par cette déclaration que Awad Ahmed Benawf a annoncé jeudi à la télévision d’Etat la chute du président du Soudan, Omar el-Béchir, destitué par son armée. Cet homme de 75 ans, arrivé au pouvoir après un coup d’Etat en juin 1989, est remplacé par un « conseil militaire de transition » pour deux ans. Le départ du dictateur, qui dirigeait le pays d’une main de fer, a été salué par une immense foule de Soudanais réunie dans la capitale Khartoum, avant même le renversement de leur dirigeant.

Le prix du pain, étincelle d’un ras-le-bol général
C’est la décision du gouvernement de tripler le prix du pain le 19 décembre, de 1 à 3 livres soudanaises (2 à 6 centimes d’euros) qui a mis le feu aux poudres. Le pouvoir tentait ainsi de faire face à une pénurie de farine, alors que le pays subit une grave crise économique depuis plusieurs années. L’indépendance du Soudan du Sud en 2011, rappelle RFI, a provoqué la perte des trois quarts de la production de pétrole national. Cet écroulement des recettes pour l’Etat a eu comme conséquence de faire chuter la monnaie et d’augmenter l’inflation. S’est ainsi ajoutée à cette situation une pénurie de liquidité dans les distributeurs de billets.

La colère n’a toutefois pas touché que les catégories de population les plus défavorisées mais également des classes moyennes voire plus élevées. Et très vite, la contestation s’est transformée en mouvement anti-Béchir, contre l’autoritarisme du régime, qui fait aussi l’objet de poursuites internationales, et la corruption du pouvoir. Elle a concerné l’ensemble du pays, y compris les bastions du pouvoir dans le nord du pays.

Facebook comme moteur de la contestation
La réaction du régime, elle, a été violente, avec notamment 49 personnes mortes dans des violences liées aux manifestations, de sources officielles. Et Omar el-Béchir a fini par instaurer le 22 février l’état d’urgence à l’échelle nationale. Mais cela n’a pas fait baisser la pression populaire, le mouvement se structurant autour de meneurs réunis notamment sous l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC).

Comme dans d’autres pays, les réseaux sociaux ont joué aussi leur rôle dans l’organisation de ce soulèvement. Le site Buzzfeed News racontait ainsi l’importance des groupes Facebook regroupant des femmes soudanaises – lesquelles ne peuvent se réunir en public dans ce pays. Ces espaces de discussions sont devenus au fil de la contestation des outils clés pour que ces personnes échangent arguments et informations sur la colère sociale, et qui ont pu, grâce aux réseaux privés virtuels (VPN), contourner les blocages des réseaux sociaux de la part du régime.

Les leaders de la contestation rejettent ce « coup d’Etat du régime »
Depuis samedi, le soulèvement était arrivé à une phrase critique. Pendant six jours consécutifs, des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le siège de l’armée, qui abrite aussi le ministère de la Défense et la résidence officielle du président Béchir. Ils réclamaient notamment le soutien des militaires dans leur combat tandis que mardi, la police a ordonné à ses forces de ne pas « intervenir » contre la foule et appelé à un « transfert pacifique du pouvoir ».

L’état-major de l’armée est finalement passé à l’action jeudi. Mais sa prise de pouvoir a rapidement douché la joie de manifestants : outre l’instauration d’un conseil militaire, l’armée a décrété un couvre-feu nocturne, interdisant tout rassemblement, mais aussi fermé l’espace aérien pour 24 heures et les frontières terrestres jusqu’à nouvel ordre. Les leaders de la contestation ont ainsi rejeté ce « coup d’Etat du régime » et promettent de poursuivre les manifestations.

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