Cannabis, alcool et jeux vidéos : ce qu’un rapport nous apprend des dépendances des Français

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Le cannabis reste la substance illicite préférée des Français qui fument et boivent moins, selon le rapport 2019 de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies.

Pour la septième fois depuis sa création en 1993, l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies) publie « Drogues et addictions, données essentielles 2019 », un état des lieux basé sur l’ensemble des connaissances disponibles sur la consommation de drogues en France, qu’elles soient licites ou illicites. Mais aussi sur l’utilisation des écrans et la pratique des jeux d’argent et de hasard. Le JDD a sélectionné les passages clé de ce rapport de 200 pages, qui souligne notamment que le cannabis reste la substance illicite préférée des Français.

Les fumeurs réguliers trois fois plus nombreux que les buveurs quotidiens
« En 2017, d’après les enquêtes en population générale fondées sur des données déclaratives, les substances licites (tabac et alcool) restent les produits les plus consommés en France, que ce soit en termes d’expérimentation ou d’usage régulier. Si le tabac est bien moins expérimenté que l’alcool, il est plus souvent associé à un usage quotidien : les adultes qui fument tous les jours (27%) sont presque trois fois plus nombreux que les buveurs quotidiens (10%). En revanche, l’usage d’alcool (au moins une fois dans l’année) reste une pratique sociale majoritaire, parmi les adultes (87% entre 18 et 75 ans) et les plus jeunes (78% à 17 ans). »

« Parmi les drogues illicites, le cannabis demeure la première substance consommée (45% d’expérimentateurs parmi les adultes, 11% d’usagers dans l’année et 6% dans le dernier mois), loin devant la cocaïne, dont l’usage concerne sept fois moins de personnes, avec environ 1,6% d’usagers dans l’année. »

Bière pour les jeunes, vin pour les adultes
« Les bières (63% de consommations rapportées au cours de la dernière occasion) et les spiritueux (67%) sont toujours les boissons alcoolisées les plus populaires à 17 ans. Viennent ensuite les prémix (26%), suivis du champagne (25%) et des vins (18%)… Par ailleurs, la situation scolaire s’avère un facteur particulièrement discriminant vis-à-vis des consommations d’alcool à 17 ans. »

Le vin reste la boisson alcoolisée la plus consommée chez les adultes : trois Français sur dix en boivent chaque semaine

« Ainsi, le niveau d’usage régulier est nettement plus élevé parmi les apprentis (18%) et chez ceux sortis du système scolaire (13%) que parmi les lycéens (8%)… Le vin reste la boisson alcoolisée la plus consommée chez les adultes : trois Français sur dix en boivent chaque semaine, proportion cependant en recul significatif par rapport à 2014 (39%). Suivent la bière (17%) et les spiritueux (9,7%), également moins consommés que trois ans auparavant (respectivement 20% et 15%). »

Seulement 12% des jeunes n’ont jamais bu, fumé ou pris du cannabis
« A l’image de ce que l’on observe dans la population adulte, les trois principaux produits psychoactifs consommés à l’adolescence sont l’alcool, le tabac et le cannabis : à 17 ans, sur dix jeunes, neuf ont déjà bu de l’alcool, six ont essayé la cigarette et quatre ont expérimenté le cannabis. A cet âge, seule une minorité de jeunes n’a pris aucune de ces trois substances (12%), ce qui traduit la forte accessibilité des substances psychoactives (licites ou illicites). Le champ de ces initiations de jeunesse s’est récemment étendu à de nouveaux comportements comme la chicha et la cigarette électronique, toutes deux expérimentées par la moitié des jeunes de 17 ans… A 17 ans, un quart des jeunes fument quotidiennement des cigarettes (25%) et près d’un sur dix déclare avoir consommé de l’alcool et/ou du cannabis au moins 10 fois dans le dernier mois (respectivement 8% et 7%). Enfin, 7,4% des jeunes de cet âge présentent un risque élevé d’usage problématique de cannabis. »

Les fumeurs de cannabis vieillissent
« Dans l’ensemble de la population (jeune et adulte), la baisse se confirme pour les deux produits les plus répandus : l’alcool, dont l’usage diminue de façon régulière depuis les années 1950 et, plus récemment, le tabac… En revanche, la proportion d’usagers de cannabis progresse parmi les adultes, traduisant à la fois le vieillissement des générations ayant expérimenté ce produit dans sa période de forte diffusion (à partir des années 1990) et le ralentissement des initiations au cannabis chez les plus jeunes… Parmi les jeunes (avant 25 ans), bien que les niveaux d’usage de produits psychoactifs soient non négligeables, les consommations de tabac, d’alcool et de cannabis se situent bien en deçà des niveaux observés au début de la décennie 2000. C’est particulièrement vrai pour le tabagisme, dont la décrue s’est accélérée depuis 2014. »

L’expérimentation des stimulants (MDMA/ecstasy, cocaïne) a nettement progressé parmi les mineurs

« On constate également des évolutions dans les rapports des jeunes à l’alcool : si la majorité des jeunes de 17 ans ont essayé l’alcool, la part de ceux qui n’ont jamais bu a quasiment triplé en quinze ans (14% en 2017). Quant au cannabis, son niveau de diffusion est aujourd’hui orienté à la baisse, mais la proportion d’usagers problématiques augmente (un quart des usagers dans l’année à 17 ans). À l’inverse, l’expérimentation des stimulants (MDMA/ecstasy, cocaïne) a nettement progressé parmi les mineurs, même si elle reste circonscrite à certains segments de la population adolescente (amateurs du milieu dit festif). Cette poussée des stimulants se retrouve en population adulte, en particulier s’agissant de la cocaïne, qui atteint aujourd’hui un pic (plus de 1,6% d’usagers dans l’année). Elle s’explique notamment par une disponibilité accrue de ces produits et l’image positive dont ils bénéficient. »

Des nouveaux produits de synthèse
« A ce jour, la diffusion des NPS reste limitée : l’expérimentation de cannabinoïdes de synthèse, qui constituent les NPS le plus souvent identifiés avec les cathinones, concerne 1,3% des adultes et 4% des jeunes de 17 ans. Il s’agit d’usagers plutôt jeunes, masculins, diplômés et urbains. »

Des saisies record en 2017
« Au cours des deux dernières décennies, le marché des drogues illicites et des produits psychoactifs n’a cessé de se transformer au niveau mondial, en termes de demande mais surtout d’offre. Alors que le chiffre d’affaires de l’industrie de l’alcool est estimé à 25 milliards d’euros en France, contre 19 milliards d’euros pour le tabac, celui du marché du cannabis est évalué à 1,1 milliard d’euros, au sein d’un marché national des drogues illicites évalué à 2,3 milliards d’euros, selon les dernières estimations nationales… Les quantités de drogue saisies constituent un des indicateurs d’expansion de l’offre. »

« L’année 2017 a ainsi été marquée par un volume record de saisies d’herbe de cannabis (20 tonnes en 2017, contre moins de 5 tonnes en 2013), même s’il reste en deçà des volumes de résine ou de cocaïne (17,5 tonnes en 2017, contre 5,6 tonnes en 2013) (UNODC, 2018). Aujourd’hui, les saisies de résine de cannabis et d’héroïne en France comptent parmi les plus importantes d’Europe de l’Ouest, en volume comme en nombre de saisies. La France constitue une zone de transit privilégiée pour les substances illicites, structurée en trois axes principaux : un axe de trafic pour la résine de cannabis marocaine importée d’Espagne, qui traverse la France à destination des Pays-Bas et de la Belgique, et les deux routes en provenance de ces deux pays, plaques tournantes de distribution de cocaïne, de MDMA/ecstasy et d’héroïne vers l’Espagne et l’Italie. »

L’herbe concurrence la résine
« Les volumes d’herbe (23% des saisies de cannabis en 2017, contre 10% en 2013) et de plants de cannabis (près de 140.000) interceptés par les forces de l’ordre (douanes, gendarmerie, police) témoignent de la place grandissante de l’herbe sur le marché français du cannabis. Même si celui-ci reste dominé par la résine, l’herbe semble désormais répondre à une demande des consommateurs, en particulier parmi les plus jeunes. »

Des produits toujours plus dosés
« L’offre de drogues connaît donc une dynamique de renouvellement continue, qui repose notamment sur l’essor de produits plus dosés, reflétant probablement la recherche d’effets plus rapides et plus intenses. On observe en effet une évolution des produits mis en circulation avec, pour le cannabis, le développement de l’autoproduction et la professionnalisation des filières de production et de trafic, qui pratiquent la sélection des graines afin d’optimiser la teneur en principe actif… »

Les données disponibles montrent une augmentation importante de la pureté de la cocaïne et des teneurs en MDMA dans les comprimés d’ecstasy

« Les données relatives aux teneurs moyennes en THC, ont, en quinze ans, presque quadruplé pour la résine, passant entre 2003 et 2017 de 6,5% à 23%, et plus que doublé pendant la même période pour l’herbe, de 4,7% à 11,5%… De même, les données disponibles montrent une augmentation importante de la pureté de la cocaïne et des teneurs en MDMA dans les comprimés d’ecstasy… En 2017, la pureté moyenne dans les saisies inférieures à 10 grammes de cocaïne, reflet de la situation qui prévaut sur le marché de détail, atteignait près de 60 %, soit un quasi doublement en dix ans En 2017, les prix moyens de la cocaïne étaient compris entre 65 et 80 euros le gramme. »

Un marché florissant
« Le marché des drogues illicites en France est en expansion, reflétant la forte progression des usages dans l’année et de leur intensité constatée depuis près de vingt-cinq ans dans les enquêtes en population générale, notamment pour le cannabis, la cocaïne et la MDMA/ecstasy. L’offre est portée par une diversité d’acteurs, des réseaux d’usagers-revendeurs aux organisations criminelles, dont l’enracinement sur l’ensemble du territoire est réel. La proximité de la France avec l’Espagne, les Pays-Bas et la Belgique, plaques tournantes de redistribution en Europe de l’Ouest pour des substances comme la cocaïne, la MDMA/ecstasy, le cannabis et l’héroïne, affecte fortement le territoire national. »

« La France, du fait de sa situation géographique, est également une zone de transit pour les substances illicites destinées à d’autres pays européens. Trois axes principaux peuvent être distingués. L’axe sud-ouest/nord-est pour la résine de cannabis marocaine, et, dans une moindre mesure, l’herbe de cannabis et la cocaïne, qui à partir de l’Espagne traverse le territoire français essentiellement en direction des Pays-Bas et de la Belgique. Et les axes nord/sud-ouest et nord/sud-est qui partent de ces deux pays, principalement pour alimenter l’Espagne et l’Italie en cocaïne, en MDMA/ecstasy et en héroïne.

Cocaïne : les filières antillaises et guyanaises
« Le marché de la cocaïne a commencé à se développer fortement en France à la fin des années 1990 et augmente régulièrement depuis. La France, du fait de ses départements d’outre-mer (Guyane, Guadeloupe, Martinique) situés à proximité des zones de production andines, est affectée par le trafic. Depuis 2015, les services de police constatent un net essor du trafic par voie aérienne de mules en provenance de la Guyane, tandis que les Antilles françaises s’affirment de plus en plus comme des plaques tournantes du marché de la cocaïne à destination de la métropole. »

En 2017, le niveau des saisies a plus que quintuplé dans le premier port français de marchandises, passant de 643 kg en 2015 à 3,5 tonnes

« Des Antilles, la cocaïne est essentiellement acheminée par porte-conteneurs, via notamment la ligne maritime Fort-de-France – Le Havre. En 2017, le niveau des saisies a plus que quintuplé dans le premier port français de marchandises, passant de 643 kg en 2015 à 3,5 tonnes (DGPN, 2018), qui confirme que les principales entrées de la cocaïne en France s’effectuent par le biais des conteneurs maritimes. Les autres grandes sources d’approvisionnement en cocaïne pour le marché français sont situées aux Pays-Bas, où la cocaïne arrive via le port de Rotterdam, et la Belgique, où les saisies dans le port d’Anvers ont atteint, avec plus de 40 tonnes en 2017, des niveaux sans précédent. »

Développement des « call centers »
« En matière de vente au détail, le phénomène le plus innovant concerne la région parisienne, avec l’émergence depuis cinq ans des ‘cocaïne call centers’. Adaptation du trafic aux réticences de nombre d’usagers insérés à se rendre sur les lieux de trafic, dans un contexte où la présence policière, du fait de la menace terroriste s’est faite plus visible, ces centres d’appel, situés généralement dans les banlieues, organisent la livraison du produit à domicile, tout en relançant les clients via SMS. »

La production d’héroïne en hausse
« L’héroïne qui circule sur le marché français est essentiellement de l’héroïne brune produite en Afghanistan. Comparé aux marchés du cannabis ou de la cocaïne, celui de l’héroïne est relativement restreint. Il a néanmoins connu une réelle reprise après la forte baisse due à l’introduction des traitements de substitution aux opioïdes en 1995… Le phénomène marquant en matière de marché est l’apparition, depuis cinq ans, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, de filières albanaises alimentant une clientèle d’usagers plutôt insérés… Par ailleurs, compte tenu des augmentations record de la production d’opium et d’héroïne en Afghanistan en 2016, une plus grande disponibilité du produit est envisageable en France dans les années à venir. »

La MDMA et autres drogues de synthèse
« A partir de la fin des années 1990, dans le sillage du milieu festif lié à la techno, le marché de la MDMA a beaucoup augmenté en France. En 2016 et 2017, avec plus de un million de comprimés d’ecstasy, les saisies se maintiennent à un niveau élevé et sont pour la plupart réalisées sur le vecteur routier et destinées à l’Espagne et au Royaume-Uni. La MDMA, sous sa forme ‘comprimé’ (ecstasy) ou ‘cristal’, est fabriquée essentiellement aux Pays-Bas et en Belgique… »

D’une teneur plus élevée, ornée de logos attrayants jouant sur le registre de la culture populaire, cette galénique semble à nouveau populaire chez les consommateurs

« Depuis 2015, toutefois, un retour important sur le marché des comprimés est rapporté. D’une teneur plus élevée, ornée de logos attrayants jouant sur le registre de la culture populaire, cette galénique semble à nouveau populaire chez les consommateurs… Les filières qui alimentent le territoire français ne semblent pas très professionnalisées et n’importent que de petites quantités. La situation est similaire pour l’amphétamine et la méthamphétamine. »

200.000 procédures par an
« Les interpellations liées à l’usage de stupéfiants représentent un contentieux d’environ 200.000 procédures par an, qui concernent en premier lieu le cannabis. En outre, parmi les condamnations judiciaires, du fait des procédures simplifiées évitant le recours à l’emprisonnement, les peines d’amende se sont généralisées pour punir l’usage, au détriment des mesures à dimension sanitaire, qui représentent une proportion de plus en plus faible de la réponse pénale aux usagers de stupéfiants. »

Oui au cannabis thérapeutique
« Les dernières données françaises soulignent le large consensus en faveur du cannabis dit ‘thérapeutique’. En outre, l’opposition à la légalisation de son usage récréatif reste majoritaire, dans un contexte où le tabagisme et l’abus d’alcool sont toujours considérés comme les principaux problèmes de société en termes de santé publique. Enfin, une large majorité des personnes interrogées adhère au principe des salles de consommation à moindre risque, estimant à plus de 80% que les deux salles actuellement en activité en France sont une bonne chose ».

Les Français toujours accro aux anxiolytiques
« En dehors des médicaments à base d’opioïdes, les psychotropes les plus consommés en France sont les anxiolytiques. Leur prescription apparaît plus importante en France que dans les autres pays européens. La France se situe au deuxième rang de la consommation de benzodiazépines parmi huit pays européens (Allemagne, Danemark, Espagne, Italie, Norvège, Royaume-Uni, Suède). »

Des gros fumeurs en France
« Selon l’enquête Eurobaromètre menée dans tous les pays de l’UE (TNS Opinion & Social, 2017), la France se situe à un niveau très élevé de prévalence du tabagisme (33% de fumeurs quotidiens parmi les 15 ans et plus vs 24% en moyenne au niveau européen)… Toutefois, la baisse récente observée entre 2016 et 2017 pourrait, si elle persiste, faire évoluer la position qu’occupe la France dans ce domaine. »

Boire, fumer ou conduire
« En 2017, un peu plus de 10 millions de contrôles d’alcoolémie ont été pratiqués par les forces de l’ordre, soit une légère baisse par rapport au début des années 2010. Le taux de positivité (tests positifs/nombre de dépistages effectués) de ces contrôles s’établit à 3,3% en 2017… Concernant les stupéfiants, le nombre de dépistages est sans commune mesure avec l’alcool : un peu moins de 290.000 contrôles ont été opérés par les forces de l’ordre en 2017. Toutefois, ce chiffre croît continuellement depuis la mise en œuvre de l’infraction de CES (conduite d’un véhicule sous l’emprise de stupéfiants) en 2004, avec une multiplication des contrôles préventifs ou en cas d’infractions (passés de 97.500 en 2012 à 233 500 en 2017) facilitée par la mise à disposition des forces de l’ordre de ‘kits’ de dépistage qui permettent d’éviter de faire une prise de sang. Le taux de positivité de ces dépistages atteint 23%, mais il est moins élevé dans les accidents corporels (dont mortels) : 4,2% en 2017. »

Addiction aux jeux vidéo et aux jeux d’argent
« Les addictions dites ‘sans substance’ (jeux d’argent et de hasard, jeux vidéo, voire Internet, addiction au travail ou au sport, etc.) sont, pour la plupart, encore peu quantifiées. Elles toucheraient moins de 5% de la population, les plus fréquentes étant les jeux d’argent et de hasard parmi les adultes et les jeux vidéo parmi les jeunes… En 2017, 39% des 17 ans ont répondu avoir joué à un jeu d’argent et de hasard au moins une fois dans l’année, alors qu’un sur dix y a joué au moins une fois par semaine. »

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