24 élèves par classe : l’idée de Macron n’est pas si simple à mettre en place

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Parmi les mesures qu’Emmanuel Macron comptait annoncer lundi dernier : limiter à 24 le nombre d’élèves dans les classes de grande section, CP et CE1. Les syndicats d’enseignants avertissent : les réductions d’effectifs ne doivent pas se traduire par des classes trop chargées dans les autres niveaux.

« D’ici la fin du mandat partout sur le territoire, de la grande section de maternelle au CE1, les classes accueilleront au maximum 24 élèves. Ce mouvement sera engagé dès la rentrée prochaine. » Cette promesse, Emmanuel Macron envisageait de la faire la semaine dernière lors de son allocution post-grand débat. Une annonce ajournée en raison de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame. Les fuites de son discours révèlent qu’il envisageait de réduire le nombre d’élèves dans les petites classes. En parallèle, il souhaitait décréter un moratoire sur les fermetures d’école.

Si cette mesure était formellement décidée, elle prolongerait une promesse-phare d’Emmanuel Macron, mise en place depuis deux ans : le dédoublement des classes de CP/CE1 en zone d’éducation prioritaire, avec 12 écoliers maximum par classe.

Les enfants sont déjà autour de 24 par classe en moyenne
En fait, la plupart des enfants sont déjà 24 dans leur salle de cours. A la rentrée 2018, selon l’Education nationale, ils étaient en moyenne 23,3 par classe à l’école primaire et 24,3 à l’école maternelle. En pratique pourtant, « cette mesure, même si elle va dans la bonne direction, sera difficile à mettre en place », estime auprès du JDD Eric Charbonnier, analyste à la direction Education de l’OCDE. « Est-ce qu’il y aura suffisamment de salles, par exemple? Comment seront divisées les classes multi-niveaux? » Dans tous les cas, « la mise en place ne pourra se faire que progressivement » selon lui.

Mais surtout, faudra-t-il recruter davantage d’enseignants? Jusqu’ici, la tendance était plutôt à leur réduction. Pour la rentrée prochaine, le ministère a programmé 2.000 nouveaux postes d’instituteurs, mais ils ont été créés pour poursuivre le dédoublement des classes de CP/CE1 en zone prioritaire. Et Emmanuel Macron avait promis durant sa campagne de supprimer 120.000 postes de fonctionnaires.

Emmanuel Macron serait aidé par la démographie
Le Président peut compter sur un paramètre clé : la baisse de la natalité. Depuis 2010, l’Insee constate une diminution des naissances, avec un fort repli depuis 2015. Cela correspond à la génération qui entrera en grande section à la rentrée 2020.

Conséquence : les écoliers sont de moins en moins nombreux. Cette année, le nombre d’enfants inscrits à l’école maternelle et élémentaire a diminué de 33.000. Dans une note, l’Education nationale prévoit une baisse d’effectifs de 36.200 écoliers à la rentrée prochaine, et ce en tenant compte de la nouvelle loi qui rend l’inscription en maternelle obligatoire dès 3 ans. D’ici à la fin du quinquennat, à la rentrée 2022, les effectifs du premier niveau devraient diminuer de 238.100 élèves.

L’Education nationale s’attend à un fort recul des effectifs dans les écoles maternelles et primaires d’ici à la fin du quinquennat.
L’Education nationale s’attend à un fort recul des effectifs dans les écoles maternelles et primaires d’ici à la fin du quinquennat.

(Capture d’écran Education Nationale)
Mais le repli de la natalité ne serait pas suffisant
Suffisant pour compenser la diminution du nombre d’élèves dans ces petites classes? Non, estiment les syndicats enseignants. Rapide calcul. « Cette opération concernerait environ 35.000 classes », évalue Régis Metzger, co-secrétaire général de la SNUipp. Or, le creux démographique permettrait seulement de libérer l’équivalent de 10.000 classes environ d’ici la fin du mandat d’Emmanuel Macron (en divisant 238.100 par 24).

Par ailleurs, il existe de fortes disparités d’une région à l’autre. « En milieu urbain les effectifs sont souvent élevés, détaille Stéphane Crochet, de SE-Unsa. C’est particulièrement tendu dans les métropoles hors zone prioritaire, surtout dans celles du sud de la France. » Traduction : réduire les effectifs sera un casse-tête dans certaines régions.

Deux options : recruter… ou piocher des enseignants dans les autres niveaux
« Techniquement, cette mesure est réalisable à moyen constant, sans recruter des professeurs, en profitant du creux démographique », conclut Stéphane Crochet… mais à une seule condition : augmenter les effectifs dans les autres classes. Par exemple, en supprimant une classe de CM1-CM2 pour redéployer un professeur en CE1. C’est là que le bât blesse, et que les syndicats lancent des avertissements : ils ne veulent pas d’un jeu de vases communicants.

Cette mesure est positive, mais pas si elle s’accompagne d’un gonflement des effectifs dans les autres niveaux.

« Cette mesure est forcément positive, mais seulement si elle s’accompagne d’une augmentation des emplois et pas d’un gonflement des effectifs dans les autres niveaux », s’inquiète Stéphane Crochet. « Nous sommes pour le ‘pas plus de 24 par classe’, mais dans toutes les classes, renchérit Régis Metzger, co-secrétaire général de la SNU-ipp. Il ne faut pas pénaliser cinq générations pour en satisfaire trois ».

« Les études montrent qu’il faut investir sur les premières années de l’enfant, en maternelle et au début du primaire, précise Eric Charbonnier. C’est le moment où il faut agir. » Mais il avertit : « Il n’y a aucune recherche pour vérifier si les bénéfices de cet investissement perdurent jusqu’en CM2 et au-delà. »

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