L’imaginaire sécuritaire de la pandémie

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La Chine annonçait le 21 janvier 2020 qu’un nouveau virus se transmettait entre êtres humains. Depuis la pandémie mondiale a fait plus de cinq millions cinq cent mille morts, dont plus de cent mille en France. La découverte de vaccins à ARN messager constitue un élément important de l’arsenal de lutte et en réduit désormais le danger, même si la panoplie des ripostes doit être multiple, tant en ce qui concerne les règles sanitaires que la coopération internationale, notamment la nécessité impérieuse de donner accès à tous aux vaccins et de développer des traitements curatifs. L’appel à lever les licences sur les brevets, signé notamment par Jean-Luc Mélenchon en février 2021, est de bon sens.

Cette crise est loin d’être finie. Elle a profondément changé nos habitudes, interrompant le fil habituel de la vie, empêchant toute projection. Il est temps d’en tirer toutes les conséquences au-delà de la santé. À travers elle, nous avons pris davantage la pente d’une société de surveillance. En 1978 le philosophe Michel Foucault avait déjà tiré les leçons de la peste : « Il y eût aussi un rêve politique de la peste (…) non pas la fête collective, mais des partages stricts ; non pas la loi transgressée, mais la pénétration du règlement jusque dans les plus fins détails de l’existence et par l’intermédiaire d’une hiérarchie complète qui assure le fonctionnement capillaire du pouvoir. » Avec le covid, nous voilà désormais habitués à un contrôle permanent où règnent les interdits le plus souvent arbitraires, pris dans le cadre d’un cabinet noir, le conseil de défense.

L’idéologie libérale s’accorde pourtant très bien ici d’une double approche : elle affiche la liberté individuelle en responsabilisant chacun, quitte à culpabiliser ceux qui sont si coupables qu’il faudrait les emmerder ; et elle met en place le cadre très contraignant qui l’accompagne. Nous nous auto interdisions les sorties via les attestations inventées par un ministre de l’Intérieur qui a profité de la période pour doter la police de nouveaux moyens de surveillance inédits, notamment les drones. Nous avons rapidement fait fi de toute la tradition du secret médical : chaque jour nous-nous inquiétons des contaminations des autres et grâce à la technologie, apprenons à détecter ou à nous déclarer cas contacts. Nous portons le masque en extérieur alors que nombre d’autorités médicales doutent de l’efficacité de cette mesure, qui en revanche rend visible à chaque instant la menace que constituerait autrui. Les mesures de confinement, puis d’isolement, et la fermeture des lieux de culture et de socialisation ont accentué le repli sur soi et fait exploser la consommation individuelle des plateformes : homo economicus nous sommes devenus.

L’avenir en commun n’est pas qu’un titre de programme, c’est un état d’esprit. Une rupture avec l’association mortifère de l’individualisme et du sécuritaire. Replaçons l’esprit de communauté au cœur des projets partagés, c’est notre réponse à l’épidémie.

Benoît Schneckenburger

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