La Tunisie joue un rôle important dans le plan européen sur la migration, mais ne se sent pas concernée. La France tente de séduire le président de plus en plus dictatorial Kaïs Saïed et promet près de 26 millions d’euros pour former et équiper les gardes-frontières.
Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, accompagné de sa collègue allemande Nancy Faeser, s’est rendu en Tunisie en début de semaine pour convaincre le président tunisien Kaïs Saïed de l’importance du pacte migratoire actuellement en cours de validation par l’Union européenne.
Darmanin a promis une aide française de 25,8 millions d’euros pour l’équipement et la formation des policiers et des gardes-frontières tunisiens afin de contenir le flux de migrants illégaux et encourager le retour.
La Tunisie est devenue ces dernières années un pays de transit important pour les migrants en route vers l’Europe. En cinq ans, le nombre de traversées de la Tunisie vers l’Italie est passé de 5 200 en 2017 à 32 371 en 2022. Cette année, déjà 30 000 personnes ont entrepris la traversée périlleuse et plusieurs naufrages ont eu lieu. Le nombre de migrants morts ou disparus en Méditerranée s’élève déjà à 1 380 cette année (78 décès ont été officiellement recensés dans le naufrage du 13 juin). L’Europe souhaite parvenir à un accord politique avec la Tunisie pour endiguer le flux migratoire.
Bien que les garde-côtes tunisiens aient intercepté plus de 23 000 migrants entre janvier et mai, la Tunisie n’a jamais officiellement accepté d’être le gardien des frontières européennes. Saïed n’avait pas l’intention de donner aux visiteurs européens ce qu’ils voulaient sans contrepartie. Pour lui, reprendre les migrants en provenance d’Europe, surtout s’il s’agit de Sub-Sahariens, est exclu. Il attise la haine contre eux dans son pays. Après un discours raciste teinté de théories du grand remplacement, ses partisans ont organisé des chasses aux Africains noirs plus tôt cette année.
Plus tôt ce mois-ci, Saied a déjà reçu la visite européenne de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, accompagnée de Giorgia Meloni et de Mark Rutte, avec un chèque bien garni de plus d’un milliard d’euros d’aide à long terme. 100 millions d’euros devraient aider les Tunisiens à contenir le flux migratoire. Mais Saied a réitéré lors d’un appel au président du Conseil européen, Charles Michel, que son pays ne souhaite pas jouer le rôle de chien de garde de l’Europe.
Darmanin, qui, en tant que ministre français de l’Intérieur, n’apportait pas autant de poids à Tunis qu’une Von der Leyen avec les Premiers ministres néerlandais et italien, a changé de stratégie et flirté avec les positions controversées de Saied, qui gouverne de manière de plus en plus autoritaire.
Crise tunisienne
‘Les Tunisiens qui viennent illégalement en Europe ne représentent qu’une très petite partie de toutes les personnes qui traversent la Méditerranée entre la Tunisie et l’Europe. Ce sont surtout des Sub-Sahariens qui empruntent ces routes migratoires’, a confirmé le ministre français, reprenant un argument que le gouvernement tunisien répète depuis des mois.
Il a assuré que la Tunisie ne deviendrait pas ‘le garde-frontière de l’Union européenne – ce n’est pas son rôle’. Le ministre français, qui tente de faire adopter une loi migratoire plus stricte dans son pays, a qualifié la Tunisie de ‘première victime’ du flux migratoire, qui doit être traité principalement dans les pays d’origine.