Douze membres de l’Assemblée nationale française proposent une loi exigeant des fabricants de tabac qu’ils ne fournissent pas plus de cigarettes que la consommation intérieure d’un pays ne le justifie. Ils cherchent ainsi à contrer le commerce parallèle du tabac auto-produit par l’industrie.
L’achat de cigarettes devrait être suivi de sa consommation dans le pays d’achat, selon la proposition avancée par douze membres de l’Assemblée nationale française. Ils souhaitent mettre fin à l’importation parallèle de cigarettes en imposant aux fabricants européens de tabac de ne fournir aux pays que la quantité de cigarettes exactement consommée dans chaque pays. Ces parlementaires insistent pour que cette régulation soit intégrée à la révision de la directive de l’UE sur les produits du tabac, prévue peu après les élections européennes de juin 2024. En parallèle, ils proposent une modification de la législation fiscale française pour prendre des mesures similaires au niveau national.
Dans l’exposé des motifs du projet de loi, les représentants du peuple expliquent que contrairement à la croyance populaire, ce ne sont pas les fabricants de tabac qui subissent les contrecoups du commerce parallèle du tabac, mais ils en sont les instigateurs, comme l’a déjà décrit TabakNee à plusieurs reprises. Les producteurs de tabac fournissent délibérément des quantités bien supérieures de leurs produits aux pays où les taxes sont faibles par rapport à la consommation nationale.
Livraisons excessives de cigarettes
Les parlementaires donnent quelques exemples pour illustrer leur point de vue. Au Luxembourg, où la consommation annuelle est de 600 millions de cigarettes, les producteurs en fournissent 3 milliards. Grâce à des taxes moins élevées, le tabac est moins cher au Luxembourg qu’aux pays voisins, ce qui conduit à des exportations transfrontalières. Cela se produit parfois avec des particuliers respectant les règles européennes d’importation, mais aussi avec des chargements en gros.
Un autre exemple est l’Andorre, où la consommation intérieure est de 120 millions de cigarettes (soit 15 %), mais où 850 millions de cigarettes sont livrées. À l’inverse, les détaillants français reçoivent moins de 32 milliards de cigarettes, alors que 49 milliards sont consommés chaque année. La moitié de cette différence provient des pays d’Europe de l’Est où les fabricants de tabac ont des usines (en Ukraine, au Kosovo, en Bulgarie et au Bélarus), et l’autre moitié provient d’achats transfrontaliers dans des pays où les taxes sont faibles.
« Propagande et manipulation de l’industrie »
Les membres de l’Assemblée se basent sur les données de deux organisations de santé, l’Alliance Contre le Tabac (ACT) et le Comité National Contre le Tabagisme (CNCT), affirmant que ces organisations ont clairement démontré que les déclarations des producteurs de tabac sur la prolifération de la contrefaçon relèvent de la propagande et de la manipulation au service de leurs intérêts. « L’objectif des fabricants de tabac est de promouvoir l’accès au tabac à bas prix, contournant ainsi les politiques de santé publique fondées sur des taxes élevées sur les produits du tabac. »
Les auteurs basent également leur proposition sur les dispositions du Protocole visant à éliminer le commerce illicite des produits du tabac de l’Organisation mondiale de la santé. Bien que ce protocole doive entrer en vigueur cette année, le report de la réunion annuelle des pays signataires soulève des doutes quant à sa mise en œuvre effective.
Appel au Parlement européen
Dans l’exposé des motifs, les parlementaires invitent leurs homologues du Parlement européen à intégrer ces dispositions dans le protocole lors de la révision de la directive sur les produits du tabac. Chaque État membre devrait déclarer chaque année, en décembre, la quantité de tabac pouvant être fournie l’année suivante, avec une marge de 5 %. « À l’avenir, les fabricants ne pourront pas fournir plus de tabac que ce que le marché exigera. » En attendant, la France, l’un des pays les plus touchés, devrait montrer l’exemple.
Selon les auteurs, la proposition de modifier la législation fiscale française atténuera les sources des marchés parallèles, rétablira la politique de santé sous l’égide politique, générera 5 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires et réduira considérablement les coûts sociaux liés au tabagisme, grâce à la diminution de la consommation (en raison des prix plus élevés payés par les fumeurs).